20/11/1918 : Antisémitisme à Colmar

Incendie et saccage de commerces juifs colmariens

Deux jours après l’arrivée du général Castelnau à la tête des troupes françaises, dix magasins du centre-ville dont neuf appartenant à des Juifs colmariens sont pillés, les vitrines sont brisées, le magasin d’ameublement Mandowsky (illustration de l’article) place de la cathédrale est incendié. L’opération a eu lieu le soir, après la fermeture des magasins. On ne sait pas s’il y a eu des blessés. Le Frankfurter Zeitung parle de pogrom. Un dixième établissement appartenant à des non-juifs a également été saccagé. Les responsables du raid sont membres d’une ligue patriotique et antisémite française.

Le roman national raconte que les Alsaciens détestaient les Allemands, pourtant les mariages mixtes étaient nombreux, près de 20% à Colmar. Pour se venger des Allemands, les Alsaciens se seraient attaqués à des magasins allemands. Max Lehmann, le maire de Colmar (10 au 25 novembre 1918) ignore sciemment les actes antisémites et rejette la responsabilité sur les Allemands qui auraient semé la haine. Dès le lendemain, il fait placarder des affiches indiquant que les coupables des pillages auraient été arrêtés.

Ils ont semé la haine

M. Lehmann, dans ses nouvelles fonctions, eut, avant l’occupation de Colmar par la division du général Messimy, à faire face à une situation malaisée, créée par les désordres des troupes allemandes. Il fit confiance aux éléments avancés de la ville, formant, une garde civique dont l’attitude fut essentiellement patriotique. La flèche du Parthe, lancée par les Allemands, manqua son effet. Ils comptaient sur un bouillonnement de la population pour amener de graves dissensions : il n’y eut, sous des formes diverses, qu’une explosion d’animosité contre les Allemands. M. Lehmann a bien parlé au nom de tous en disant que la délivrance de Colmar était le jour le plus mémorable de son histoire, et que son plus beau rêve était réalisé ». (Le Petit Journal du 24 novembre 1918)

Victimes de l’expédition antisémite

Il s’agit des commerces appartenant aux familles Kaufmann, Kegel, Knopf, Félix Levy, Meyer, Süssel, Wilius, Wolf et Mandowsky. Plusieurs de ces familles ont été expulsées de Colmar, leurs commerces ont été séquestrés puis revendus.

Expulsions et spoliations de familles colmariennes

Afin d’éviter toute contestation, les exactions ont eu lieu avant le retour des Feldgrauen alsaciens démobilisés le premier décembre. Ceux arrivés entre-temps seront empêchés de traverser les ponts du Rhin.

Les citoyens du Land Elsaß-Lothringen sont triés selon des critères ethniques par l’armée d’occupation française. Le dimanche 8 décembre 1918, quarante riches familles colmariennes, dont de nombreuses familles juives seront humiliées et expulsées manu-militari. Ces expulsions étaient interdites par la Convention d’Armistice signée par la France, tout comme la confiscation des biens des habitants d’Alsace-Moselle.

L’Affaire Dreyfus (1894-1906) a révélé qu’une majorité d’officiers supérieurs, dont Pétain étaient franchement antisémites. À noter qu’il existait en France plusieurs journaux et revues antisémites ayant pignon sur rue. Cela a certainement eu des conséquences sur les expulsions des Juifs alsaciens.

Le général Castelnau est membre de la Ligue des Patriotes, dont il sera élu président en 1924. L’idéologie de la ligue est le nationalisme, le militarisme, l’antisémitisme et la xénophobie.

Les généraux Castelnau et Gouraud ne vivaient pas en caserne, mais dans des maisons réquisitionnées dans le quartier impérial, Schlumberger Straße et Wasserturmallee (Boulevard Joffre).

Sources

Annuaires de la société d’histoire de Colmar

Archives municipales de Colmar

Bibliothèque des Dominicains

Frankfurter Zeitung du 17/12/1918

Journal officiel de la République française

Tagesbuch einer Colmarerin während des Krieges – Lévy Elise Esther

4 commentaires

  1. La ville de Lingolsheim, dans la banlieue de Strasbourg, doit sa prospérité industrielle très largement à ses tanneries. Elles furent fondées et dirigées par la famille Oppenheimer. En remerciement, les Oppenheimer furent spoliés de tous leurs biens en Alsace et expulsés manu militari en 1919. Leur crime inexpugnable : être de race et de sang ‘boche’ (‘aryanisation’ tricolore). Plus tard, après 1933, les Oppenheimer seront également spoliés de leurs biens en Allemagne par les nazis, cette fois en tant que juifs. Après guerre, les Oppenheimer furent dédommagés par le gouvernement allemand, mais jamais par le gouvernement français. Moralité : spolier les Oppenheimer parce que de race juive, c’est un crime scandaleux et impardonnable, par contre spolier les Oppenheimer parce que de race ‘boche’, là c’est une ‘bonne action’ héroïque et vertueuse… En 1919, les tanneries de Lingolsheim ont été bradées à de vrais Français, c’est à dire venant d’Outre-Vosges, et devinrent du jour au lendemain les plus grandes tanneries de France. Elles n’ont fait que péricliter depuis, sous management tricolore. bravo les artistes. A ce jour, il n’y a toujours encore aucune rue à Lingolsheim portant le nom maudit des Oppenheimer qui ont pourtant jadis tant fait pour l’essor de la ville, pas même dans le nouveau quartier d’habitation des Tanneries. L’ingratitude sans borne de nos hourra-patriotes est un vice tellement cocoricon…

    1. Aucun Allemand de ma famille n’a été spolié ou expulsé. Sur les fiches domiciliaires a été apposé un tampon rouge « ÉTRANGER » Ils étaient chrétiens. L’armée française s’est attaquée en priorité aux Juifs.

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