1794 : Rapport du comité de Salut public

Au nom des Droits de l’Homme les Révolutionnaires veulent éradiquer toutes les langues autre que le français. L’allemand est déclaré langue de l’ennemi. Les Alsaciens tout comme les autres peuples doivent renier leur langue maternelle. Le Rapport établi par Bertrand Barère de Vieuzac (1755-1841) est édifiant : (extraits concernant l’Alsace) :

Je viens appeler aujourd’hui votre attention sur la plus belle langue de l’Europe, celle qui, la première, a consacré franchement les droits de l’homme et du citoyen, celle qui est chargée de transmettre au monde les plus sublimes pensées de la liberté et les plus grandes spéculations de la politique...

Parmi les idiomes anciens, welches, gascons, celtiques, wisigoths, phocéens ou orientaux, qui forment quelques nuances dans les communications des divers citoyens et des pays formant le territoire de la République, nous avons observé (et les rapports des représentants se réunissent sur ce point avec ceux des divers agents envoyés dans les départements) que l’idiome appelé bas-breton, l’idiome basque, les langues allemande et italienne ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des praticiens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants, et peuvent favoriser les ennemis de la France...

Dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, qui a donc appelé, de concert avec les traîtres, le Prussien et l’Autrichien sur nos frontières envahies ? l’habitant des campagnes qui parle la même langue que nos ennemis, et qui se croit ainsi bien plus leur frère et leur concitoyen que le frère et le concitoyen des Français qui lui parlent une autre langue et ont d’autres habitudes.

Le pouvoir de l’identité du langage a été si grand qu’à la retraite des Allemands plus de vingt mille hommes des campagnes du Bas-Rhin sont émigrés. L’empire du langage et l’intelligence qui régnait entre nos ennemis d’Allemagne et nos concitoyens du département du Bas-Rhin est si incontestable qu’ils n’ont pas été arrêtés dans leur émigration par tout ce que les hommes ont de plus cher, le sol qui les a vus naître, les dieux pénates et les terres qu’ils avaient fertilisées. La différence des conditions, l’orgueil, ont produit la première émigration qui a donné à la France des milliards ; la différence du langage, le défaut d’éducation, l’ignorance ont produit la seconde émigration qui laisse presque tout un département sans cultivateurs. C’est ainsi que la contre-révolution s’est établie sur quelques frontières en se réfugiant dans les idiomes celtiques ou barbares que nous aurions dû faire disparaître...

Les lois de l’éducation préparent à être artisan, artiste, savant, littérateur, législateur et fonctionnaire public ; mais les premières lois de l’éducation doivent préparer à être citoyens ; or, pour être citoyen, il faut obéir aux lois, et, pour leur obéir, il faut les connaître. Vous devez donc au peuple l’éducation première qui le met à portée d’entendre la voix du législateur. Quelle contradiction présentent à tous les esprits les départements du Haut et du Bas-Rhin, ceux du Morbihan, du Finistère, d’Ille-et-Vilaine, de la Loire-Inférieure, des Côtes-du-Nord, des Basses-Pyrénées et de la Corse ? Le législateur parle une langue que ceux qui doivent exécuter et obéir n’entendent pas. Les anciens ne connurent jamais des contrastes aussi frappants et aussi dangereux...

Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton ; l’émigration et la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle l’italien, et le fanatisme parle le basque. Cassons ces instruments de dommage et d’erreur...

D’ailleurs, combien de dépenses n’avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes parlés en France ! Comme si c’était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires !

Laisser les citoyens dans l’ignorance de la langue nationale, c’est trahir la patrie ; c’est laisser le torrent des lumières empoisonné ou obstrué dans son cours ; c’est méconnaître les bienfaits de l’imprimerie, car chaque imprimeur est un instituteur public de langue et de législation...

Laissons la langue allemande, peu faite pour des peuples libres jusqu’à ce que le gouvernement féodal et militaire, dont elle est le plus digne organe, soit anéanti...

Ndlr : Barrère semble oublier que l’imprimerie a été mise au point vers 1450 par l’Allemand Johannes Gensfleich, dit Gutenberg dans la République de Straßburg

Un commentaire

  1. Non ! Ce n’est pas vrai, c’est inventé… Dites-moi que je cauchemarde, que j’hallucine… Ce Vieuzac est un vieux sac. Rassurez-moi, il est passé par la case « guillotine »… Mais je ne suis pas loin de penser que nos dirigeants actuels n’ont pas beaucoup évolué sur le sujet.

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