Les cartes postales patriotiques sont les plus sournois instruments de propagande. Diffusées en quantités phénoménales, elles pénètrent dans tous les foyers français pour y distiller une histoire falsifiée de l’Alsace.
La correspondance au dos des cartes postales de propagande est banale : courrier à la fiancée, à l’épouse à la famille, ou aux copains. Dans ma collection, une seule carte, envoyée en Dordogne, représentant une salle de classe alsacienne imaginaire, fait mention à la guerre : « Il faut espérer cette année nous serons débarrassés de ces sales boches ».
Idem, durant l’occupation militaire française, les Poilus parlent de leur vie et font de rares commentaires sur la région. L’un a envoyé une carte de Dammerkirch sur laquelle il fait remarquer la présence d’un drapeau alsacien Rot un Wiss, l’autre se plaint « Les gonsésses, elle comprenne le français comme une Vache espagnol ».
Contrairement à la majorité des cartes postales, celles de propagande sont colorisées et donc plus attractives.
La caricature d’Alsacienne fantaisiste inventée par Jean-Jacques Waltz, dit Hansi, passe pour vérité historique, de nombreux dessinateurs, peintres et photographes qui n’ont jamais franchi la frontière franco-allemande s’en sont inspirés. Certaines cartes présentent une Alsacienne et une Lorraine main dans la main. Rencontres improbables, souvent à part les coiffes, les costumes sont similaires.
Les habits alsaciens vont du meilleur au pire, les plus riches sont loués chez des costumiers, les pires sont de ridicules bricolages.
À cause de la propagande de nombreux Français étaient persuadés que les Alsaciens étaient francophones, détestaient les Allemands et portaient tous les jours l’habit traditionnel orné d’une cocarde bleu-blanc-rouge, quand ce n’est pas une coiffe tricolore.
Les mêmes thèmes de propagande tournent en boucle et se combinent : Poilus protecteurs, drapeaux tricolores, poteaux-frontière renversés, Alsaciennes et Lorraines pleurnichardes, professions de foi de femmes en costumes fantaisistes, minuscules Alsaciennes auprès d’une Marianne géante ou d’un faux Joffre.
Durant la guerre de 1914/18, le service de propagande créé de nombreuses cartes en Alsace occupée, certaines bilingues, destinées à faire croire aux Français et à leurs alliés que les Alsaciens sont ravis de redevenir français… même ceux nés allemands.
Plusieurs photographes parisiens créent dans leur atelier, une salle de classe dans laquelle posent un faux instituteur-poilu et quelques enfants accoutrés de ridicules costumes alsaciens. À leur arrivée en 1918, les poilus seront déçus de constater que les Alsaciennes s’habillent comme tout le monde et ne comprennent pas le français.








