Le nombre de morts dus à l’épidémie de grippe a explosé en Alsace au mois d’octobre 1918. Les élus sont parfaitement au courant du nombre de décès dans leurs communes et de la dangerosité du virus. Malgré cela, ils organisent la réception des Poilus dans leurs villes avec la complicité du gouvernement français. La population alsacienne est mise en grand danger, tout comme l’armée d’occupation française.
Qu’importe la propagation de l’épidémie, des cérémonies grandioses sont organisées dans le Land Elsaß-Lothringen, pour prouver au monde entier que le vœu le plus cher de ses habitants est de « redevenir » français (chose impossible pour ceux nés après 1870).
Le virus de la grippe est propagé par les militaires et par les prisonniers de guerre de tous bords. Les tranchées, lieux confinés sans hygiène sont des terrains favorables à la propagation de l’épidémie. Les populations civiles sous-alimentées sont aisément contaminées par les déplacements des troupes.
Georges Clémenceau, ministre de la guerre et président du Conseil est conscient des dangers de l’épidémie puisque son gendre est emporté par la grippe le 8 octobre 1918, après plusieurs jours d’agonie. Le même jour, Joffre grippé, annule son voyage à Londres. Plus tard, le général de Castelnau quittera précipitamment Colmar pour assister aux obsèques de son gendre emporté par la grippe espagnole.
Ces cérémonies sont d’autant plus scandaleuses parce que les trois-quarts des Feldgrauen alsaciens et mosellans ont été tués sur le front Ouest.
En France de nombreuses précautions sont prises en 1918, pour limiter la propagation de l’épidémie :
13 octobre : Spectacles et voyages déconseillés par l’Institut Pasteur
La grippe se transmet directement du malade à l’individu sain par l’intermédiaire du mucus nasal et des particules de salive projetées en toussant ou en parlant ou encore par les mains souillées de salive.
Ces précautions ne sont pas les seules à prendre pour éviter la propagation de la grippe. Celle-ci peut se contracter aussi dans les lieux publics. Il faut donc, en temps d’épidémie, éviter les réunions de personnes nombreuses, aussi bien en plein air que dans les locaux fermés (lieux consacrés aux cultes, théâtres, cinémas, grands magasins, chemins de fer, etc. (Le Matin)
19 octobre : Cession du bac retardée
Étant donné l’extension de l’épidémie actuelle, on a constaté ce mois-ci un grand nombre de défaillants parmi les candidats au « bachot ». 20% dans certaines séries. Le ministre de l’instruction publique vient, en conséquence, de décider qu’à titre exceptionnel il y aurait pour eux une nouvelle session. Après entente entre les secrétariats des Facultés des lettres et des sciences de Paris elle doit, avoir lieu vers le 15 novembre. (Figaro)
19 octobre : Distribution des prix supprimées
Les distributions de prix dans les écoles primaires de la Ville de Paris devaient avoir lieu vers la mi-octobre, mais en raison de l’épidémie de grippe le préfet de la Seine, d’accord avec le directeur de renseignement primaire, vient de décider que toute cérémonie officielle sera supprimée. Les prix seront remis dans les classes mêmes par les directeurs et directrices les parents des élèves ne seront pas admis. (Le Petit Parisien)
20 octobre : Manifestation sportive ajournée
On nous communique la note suivante Le Comité national d’éducation physique, en présence de l’épidémie de grippe, et sur la proposition de la direction de l’hygiène sociale, décide d’ajourner la manifestation, projetée pour le 20 octobre, à laquelle devaient prendre part 10.000 jeunes gens de la classe 1920, venant de toutes les régions de la France. (Le Matin)
20 octobre : Mesures préventives contre l’épidémie
Le maire de Lyon, M. Herriot, vient de prendre un arrêté qui supprime les convois funèbres les corps sont conduits directement au cimetière où ont lieu les cérémonies. À Clermont-Ferrand, spectacles et réunions sont interdits. Les élèves de l’École normale de garçons de Tulle et du collège de jeunes filles de Brive sont licenciés. Le préfet de l’Allier « considérant que la propagation de la grippe dans le département exige l’intervention de toutes les mesures propres à sauvegarder la sante publique », a pris un arrêté « licenciant jusqu’au 4 novembre inclus les écoles primaires, élémentaires et maternelles du département ». En outre, il « interdit jusqu’à nouvel ordre, sur toute l’étendue du département, la tenue des salles de théâtre et concerts et tous spectacles cinématographiques ou autres ».
En ce qui concerne les milieux militaires ; M. Mourier, sous-secrétaire d’État du service de santé, a interdit les visites dans les services de grippés, sauf cas d’extrême urgence. (L’Humanité)
22 octobre : Mesures hygiéniques
…Les mesures hygiéniques prises sur les avis éclairés de M. Martin, de l’Institut Pasteur, et du docteur Langlois, commencent porter leurs fruits. Toutefois, on peut regretter que ces mesures, hélas aient été tardives…
Dans l’aggravation de cette maladie meurtrière, la lésinerie administrative a malheureusement une très grande part ». Il n’y avait, en effet, pour les grippés, ni baraquements, ni camps d’évacuation fait d’autant plus déplorable que nous avions près de nous l’exemple des Américains dont l’organisation sanitaire de tentes et d’infirmeries ne laisse rien à désirer. (Le Matin)
24 octobre : Inquiétude au Parlement
Dans les milieux parlementaires, on se préoccupe sérieusement de l’épidémie de grippe qui ne fait que s’aggraver… C’est ainsi qu’hier, à la commission sénatoriale de l’armée, M. Richard a exposé les conditions défectueuses du transport des militaires grippés, dans la zone de l’intérieur, et décidé de provoquer à ce propos les explications du sous-secrétaire d’État du service de santé… Elle s’est occupée ensuite de l’insuffisance des moyens de défense contre le développement de l’épidémie actuelle. (Le Petit Parisien)
27 octobre : Hygiène déplorable des gares et des wagons
Merlin, député, signale à M. le ministre des travaux publics l’état déplorable et antihygiénique du matériel des chemins de fer, la malpropreté des gares et surtout des salles d’attente où sont entassés dans certaines villes, sans interruption, des personnes de tous les âges, ajoutant que sur certains réseaux, 188 wagons ne sont jamais lavés et n’ont pas été désinfectés une seule fois depuis quatre années, et demande au ministre, en raison de la grave épidémie de grippe qui sévit, d’influer les mesures sanitaires qui ont été prises Pour remédier à cette fâcheuse situation. (Question du 18 octobre 1918.) (JORF)
27 octobre : Fermeture des lycées parisiens
Les lycées sont licenciés une semaine En raison de l’épidémie de grippe, le recteur de l’Université de Paris vient de décider que les vacances de la Toussaint seraient- avancées de quelques jours. En conséquence les lycées et collèges ont été fermés hier soir, samedi. La rentrée aura lieu le lundi 1 4 novembre, au matin. En raison de la fête de la Toussaint, les écoles de la Ville de Paris vont être fermées du mercredi soir 30 octobre au lundi matin 4 novembre. L’administration mettra à profit ces jours de vacances pour assainir et désinfecter complètement tous les locaux scolaires. (Le Matin)
28 octobre : Suppression des trains de rapatriés
Les trains de rapatriement d’habitants des régions envahies, venant par l’Allemagne et la Suisse, suspendus le 12 octobre, et qui devaient reprendre, sont ajournés jusque nouvel ordre. Le train hebdomadaire d’internés a été supprimé en raison de l’intensité de l’épidémie de grippe qui sévit en Allemagne. (Le Petit Parisien)
7 novembre : Suppression des trains express
Étant donné la crise, actuelle de circulation sur nos chemins de fer, et les ravages occasionnés par l’épidémie de grippe qui affecte profondément le personnel, le gouvernement vient d’autoriser les grands réseaux à suspendre momentanément le service des trains express de jour. À partir de vendredi prochain, sauf modification de cette date si les dispositions nécessaires ne pouvaient être prisas à temps par les compagnies, les trains express, dits directs ne seront plus mis en service pendant une période de dix jours. Les compagnies de chemins de fer feront connaître les modifications apportées aux horaires. (Le Petit Parisien)
21 novembre : Retour des prisonniers français
La plupart des prisonniers militaires ont été cantonnés par les soins de l’autorité militaire dans différentes casernes de Paris et au Grand Palais. Cependant, en ces temps d’épidémie, l’arrivée de plusieurs milliers de soldats échappés aux geôles allemandes, où régnaient dernièrement la grippe et même le typhus exanthématique, pouvait présenter un danger de contamination pour la population parisienne.
22 novembre : Arrivée de l’armée française
Aucune précaution n’est prise pour épargner les populations d’Alsace et de Moselle. La seule chose qui compte est de faire des photos de propagande.
C’est ainsi que les Poilus auraient dû défiler en Alsace-Moselle : MASQUÉS