1919 : Saisie des biens des frères Max et Moritz Knopf

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Dès l’occupation du Land Elsaß-Lothringen par l’armée française en 1918, ses citoyens sont triés selon des critères ethniques. Les indésirables sont expulsés en plein hiver avec 30 kilos de bagages et 10.000 marks de monnaie (5000 pour les célibataires). Leurs biens sont saisis pour être vendus aux enchères. Les magasins des frères Max et Moritz Knopf qui employaient des centaines de personnes sont mis sous séquestre. L’histoire se répètera en 1933 : la famille Knopf devra brader ses grands magasins situés en Allemagne.

Le 11 décembre 1918, Clémenceau, ministre de la guerre et président du Conseil fait parvenir aux tribunaux régionaux de Metz, Sarreguemines, Strasbourg, Saverne, Colmar et Mulhouse, une ciculaire autorisant le séquestre des biens des citoyens d’Alsace-Lorraine jugés indésirables. Ils sont expulsés sans pouvoir se défendre. Des dizaines de milliers d’usines, d’entreprises, de commerces et de maisons sont séquestrées, en attendant d’être vendues aux enchères.

« La mise sous séquestre des biens des sujets allemands, autrichiens ou hongrois ne procède point d’une idée de confiscation. Elle n’a ni ne doit prendre le caractère d’une mesure de spoliation. Elle est et doit demeurer de précaution et conservatoire ». (Journal officiel du 12/12/1918)

Le 17 avril 1919, les biens séquestrés ennemis (sic) peuvent être vendus. Des sommes colossales vont entrer dans les caisses de l’État pour payer les dommages de guerre.

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Magasin Knop de Strasbourg

Villa Knopf à Strasbourg

1922 : Toujours des expulsions

Trois députés alsaciens sont intervenus auprès de M. Poincaré pour lui faire entendre que ces expulsions pourraient compromettre l’ordre économique des provinces recouvrées et qu’il était peu sage d’exercer des sanctions contre l’Allemagne sur territoire français. La plupart des Allemands, disaient-ils, demeurés en Alsace sont inoffensifs, et occupent des situations sociales médiocres, etc. M. Poincaré a répondu qu’il tiendrait compte de ces observations.

Combien reste-t-il d’Allemands en Alsace et Lorraine ? Il est assez difficile de le dire quand on sait que la direction de la police de Strasbourg ne possède pas leur liste exacte et qu’un membre de la presse locale a reçu la visite du directeur de la police en personne qui venait lui demander des renseignements à leur sujet.

A l’armistice, il y avait environ 240.000 civils allemands. Sur ce nombre, 30.000 retournèrent de leur plein gré dans le Vaterland. Au cours des 44 mois suivants, on a expulsé 78.000 sujets du Reich (dont 48.000 en Moselle). Parmi ceux qui restaient, 73.000 ont été naturalisés en vertu du traité de Versailles.

Il reste donc approximativement 59.000 Allemands : en Moselle 38.000, dans le Bas-Rhin 15.000, dans ,1e Haut-Rhin 6000. L’industrie mosellane occupe, en effet, un grand nombre d’ouvriers originaires d’Outre-Rhin.

L’existence que mènent ces Allemands est de tous points analogue à celle des Français. Ils voyagent sans passeport et plusieurs de ceux qui devaient rejoindre Kehl samedi dernier n’ont pu être touchés, car ils villégiaturaient à la mer ou à la montagne. La plupart de ces Allemands s’occupent de commerce. Ils y réussissent à merveille, comme on sait, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné que de nombreuses maisons françaises trouvent en eux des employés actifs.

Il ne faut pas se leurrer sur l’importance des dernières expulsions. Bien des personnes inoffensives ont été priées de repasser le Rhin. Je ne citerai qu’un exemple, celui d’une grand’mère de 80 ans avec sa petite-fille, employée de magasin. Dans le Bas-Rhin, parmi les 150 expulsés, un seul, un docteur qui exerçait encore, n’habitait pas Strasbourg.

Pour ne pas compromettre la vie économique, la population ouvrière de la Moselle a été relativement épargnée. On ne compte parmi elle que 17 notifications d’expulsion.

Est-ce là le but qu’on se proposait en prenant cette mesure de rétorsion ? Il existe, à Strasbourg, dans des administrations importantes, des chefs, de vrais Indésirables.Leurs subordonnés se plaignent de leur état d’esprit et le public ne cache pas son mécontentement de leur présence. Ils n’ont pas été touchés. Non seulement on les ménage, mais ils trouvent malheureusement des protecteurs parlementaires. Ces demi-mesures, ces expulsions au compte-goutte ne font qu’exciter les esprits. A Paris, on exagère leur importance et on croit sauver l’Alsace; dans les provinces recouvrées on s’étonne d’un procédé aussi imparfait et qui est appliqué sans méthode, à l’aveuglette…

L’opinion publique se demande, avec juste raison, pourquoi le problème de l’épuration est mêlé à celui des sanctions. N’est-il pas étrange, en effet, de se dire que ces Allemands indésirables seraient restés en France si l’Allemagne avait payé?

Il y a là un nouvel exemple de la politique à vue courte que l’on ne cesse de déplorer parce qu’elle maintient une situation trouble et inquiète les esprits. Ces quelques Allemands, en partant, ne changent rien au problème de la population mixte d’Alsace et de Lorraine. Mais, rentrés en Allemagne, on ne manquera pas là-bas d’exploiter les événements et d’indisposer l’opinion déjà excitée contre la France.

Journal de Genève 16/08/1922 – G. Br. correspondant de Strasbourg

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