1918 : Pourparlers de Paix

Remarques de la délégation allemande

Le deuxième point du discours prononcé à Mount Vernon le 4 juillet 1918 par le Président Wilson doit également être invoqué ici. Il débute ainsi :

« Le règlement de toutes les questions : questions territoriales, questions de souveraineté, accords économiques, relations politiques doit se faire sur la base de la libre acceptation de ce règlement par le peuple directement intéressé et non pas conformément aux intérêts ou aux avantages matériels de toute autre nation ou de tout autre peuple qui pourrait, en vue de son influence extérieure ou de son hégémonie, souhaiter un autre règlement. »

L’Alsace-Lorraine

 »L’Alsace-Lorraine est pour la plus grande partie un vieux pays allemand qui est devenu, il y a plus de mille ans, une partie de l’ancien Empire allemand. Les parties allemandes ont passé aux XVIII° et XVIII° siècles sous la suzeraineté française, principalement par voie de conquêtes, sans consultation de la population et, la plupart du temps, malgré leur résistance déclarée. La domination française aurait bien pu amener l’union politique avec la France, mais elle a si peu affecté les particularités nationales et culturelles des habitants qu’aujourd’hui encore la population est allemande par sa langue et ses mœurs, dans les quatre cinquièmes du pays.

Si, en 1871, lors du rattachement de ses territoires, l’Allemagne a négligé de consulter la population, c’est qu’elle s’y croyait autorisée en raison des procédés antérieurs de la France et de la parenté de race de la population.. Néannmoins, il est reconnu, en vertu des conceptions de droit actuelles, qu’une injustice à été commise en 1871, en négligeant de consulter la population.

Le Gouvernement allemand s’est donc engagé, d’après les points du programme reconnus par toutes les parties, à réparer cette injustice. Mais elle ne serait pas réparée, et ne serait remplacée que par une nouvelle et plus grande injustice, si l’Alsace-Lorraine était tout simplement cédée maintenant à la France, car ce serait arracher ce pays de l’ensemble ethnique auquel il appartient par la langue et les mœurs de 87 p. 100 de ses habitants. Une autre considération, qui a une grande importance, c’est l’union économique avec l’Allemagne, union qui a atteint son plus haut degré, à la suite de l’exploitation des richesses du sol entreprise depuis 1871 et de l’essor des industries les plus diverses qui trouvent leur écoulement dans une Allemagne capable d’en consommer les produits.

Si donc on ne procédait pas actuellement à une consultation populaire, on n’atteindrait pas le but que l’on poursuit en réglant la question d’Alsace-Lorraine, c’est-à-dire «conclure enfin la paix dans l’intérêt de tous ». Le danger subsisterait au contraire que cette question ne continue à être une source de haine entre, les peuples.

Le vote devra s’étendre à la population tout entière de l’Alsace-Lorraine. Il faut qu’il prévoie les trois éventualités suivantes :

  1. a) Réunion à la France, ou bien,

  2. b) Réunion au Reich allemand en tant qu’État libre, ou bien,

  3. c) Indépendance complète, en particulier liberté d’une union économique avec un de ses voisins.

Il faudrait que chacune des clauses relatives à l’Alsace-Lorraine prévues dans le projet de paix présuppose que le plébiscite proposé ait pour résultat l’union avec la France. Pour cette éventualité, les clauses donnent lieu aux remarques provisoires suivantes (il doit être bien spécifié que toutes les autres remarques, de quelque nature qu’elles soient, restent réservées tant pour cette question que pour l’ensemble des conditions de paix).

La cession antidatée, comme on l’exige, du jour de la conclusion de l’armistice, n’est pas motivée. Le projet lui-même n’a pas prévu qu’on pourrait antidater dans les autres cas, où des cessions de territoire devront avoir lieu sur la base d’un plébiscite ou en l’absence de plébiscite. Il y a une raison péremptoire qui rend ce procédé impraticable, c’est qu’il aurait pour effet que tous les procès et toutes les affaires juridiques de l’époque intermédiaire, pour lesquels la nationalité du pays et de ses habitants est d’importance, devraient recevoir après coup une solution juridiquemodifiée. B n’y a qu’un moment sur lequel on puisse tabler, c’est celui où le résultat du plébiscite sera définitivement établi.

La question de la nationalité des habitants du pays ne peut pas être réglée sur la base des clauses proposées, car celles-ci s’inspirent de la conception, juridiquement et effectivement impossible, qu’il faudrait supprimer après coup le fait que depuis 1871 ce pays appartient à l’État allemand. Il faut, au contraire, que le règlement de cette question ait lieu selon les principes qui ont toujours été respectés pour les cessions de territoires dans les traités de paix des temps modernes et dont, l’essentiel a été pris en considération par le projet de paix lui-même pour d’autres cessions de territoires.

Il y a donc lieu d’établir, en prévision du changement de nationalité qu’entraînera la cession du territoire, un critérium uniforme pour toutes les personnes que concernera cette cession. En outre, il faut introduire un droit d’option et d’émigration libéral.

Enfin, en corrélation avec ce qui précède, il faudrait que l’on prenne soin d’assurer d’une façon équitable les droits des fonctionnaires en fonction dans le pays au moment de son occupation. On ne pourra forcer les fonctionnaires allemands à continuer leur service après la cession du pays qu’avec leur propre consentement.

La note de la Délégation allemande du 22 mai a déjà signalé que le traitement de la propriété privée allemande en Alsace-Lorraine tel qu’il a déjà été pratiqué pendant l’armistice, tel qu’il est maintenant sanctionné par les clauses du projet de paix et tel qu’il doit être rendu possible est contraire au droit. Nous reviendrons à une autre occasion dans cette note même sur ce traitement. Il faut faire remarquer l’importance particulière qu’a pour l’Allemagne le maintien de la propriété allemande en Alsace-Lorraine précisément en ce qui concerne l’industrie minière.

Il faudrait que la possibilité de nouvelles participations allemandes dans le commerce et l’industrie soit sauvegardée.

Étant donné que le thalweg du Rhin formait l’ancienne frontière entre l’Alsace-Lorraine et le Duché de Bade, la prétention d’englober dans l’organisation française le port de Kehl qui est situé sur la rive droite du Rhin semble injustifiée. Il en est de même des clauses relatives à la réglementation du fleuve. Nous avons également mentionné par ailleurs cette question avec plus de détails.

En ce qui concerne les chemins de fer d’État de l’Alsace-Lorraine, la cession ne pourra avoir lieu que contre remboursement de leur valeur— ce qui correspond à la réglementation qui eut lieu en 1871 — et il faudra la limiter aux lignes situées en dehors des territoires de souveraineté allemande. C’est ainsi qu’en particulier il ne peut être question d’une cession des moitiés orientales des ponts sur le Rhin ni du transfert des gares frontières sur la rive droite du Rhin.

Il paraît injustifié que, lors de la cession de l’Alsace-Lorraine, la France prétende faire exception au principe général du droit des peuples reconnu dans le projet de paix lui-même et selon lequel, lors d’une modification de territoire, l’État acquéreur doit reprendre une partie des dettes d’État de l’État qui cède le territoire et payer les biens de l’État dans le territoire cédé. Si maintenant la France veut tirer avantage de l’augmentation énorme de la valeur du pays, augmentation qui est le résultat de son union économique avec l’Allemagne et des dépenses qui y ont été faites par l’Allemagne, il est juste qu’elle reprenne une fraction correspondante des dettes qui ont été faites entre temps dans l’intérêt de l’Alsace-Lorraine elle-même. Il faudrait offrir un dédommagement pour la valeur de la propriété d’État allemande.

Les questions d’importation et d’exportation sont traitées dans la partie économique générale de cette note.

En outre, il est proposé de régler par un contrat spécial, le cas échéant sur la base de la réciprocité, toutes’les questions qui résulteront pour les assurances allemandes des ouvriers et des employés de la cession de l’Alsace-Lorraine  la France. Ce contrat devrait s’étendre avant tout aux réclamations déjà faites ou qui sont en voie de l’être par les assurés d’un pays aux assureurs de l’autre pays, et les engagements réciproques des assureurs. Il faudrait pour cela procéder à une balance proportionnelle des fonds entre les assureurs en tenant compte des charges qui tomberaient aux uns et aux autres.

Comme on l’a déjà exposé, ce qui vient d’être dit ci-dessus devra être valable également en ce qui concerne la cession des autres territoires allemands.

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