1870 : Siège de Straßburg

C’est une des dernières batailles à l’ancienne. La ville de Straßburg est entourée de solides fortifications, l’accès se fait par des portes fermées de ponts-levis.La muraille est obsolète parce que l’armement moderne permet de bombarder le centre- ville à plusieurs kilomètres de distance. 80.000 habitants sont pris en otages. 70 000 strasbourgeois, 10 000 réfugiés des bourgs alentours. La ville est occupée par 11 000 militaires français issus de régiments disparates.

 La Ville est à la merci de deux généraux bornés : von Werder  & Uhrich.

Le général prussien August von Werder, et ses 60.000 soldats originaires du pays de Bade et du Württemberg  encerclent Straßburg. Ils sont armés des meilleurs canons Krupp. Von Werder a le choix : soit bombarder la ville, soit  attendre la reddition des Français suite à l’épuisement des munitions et des provisions.

La Ville est défendue par Jean-Jacques Uhrich, général à la retraite, âgé de 68 ans, à la tête d’une garnison improvisée de débris de plusieurs régiments faiblement armés de matériel obsolète (Le 87ème de ligne et des débris de plusieurs régiments)  ainsi que par des fuyards échappés des combats du Nord de l’Alsace. Comptant sur l’épaisseur des fortifications, Ulrich n’a rien fait pour protéger la ville : dégager les abords immédiats, abattre les rangées d’arbres susceptibles de cacher l’ennemi ou garnir les murailles d’artillerie.[1]

« Il y avait sans doute à l’arsenal des centaines de vieilles pièces à âme lisse, mais jamais il n’y eut plus de 240 canons en batterie, et encore ils étaient de 14 calibres différents, depuis les petits canons de 24 jusqu’à de petits obusiers de montagne ».[2]

La puissance des deux armées est inégale, Uhrich n’a aucune chance de vaincre.

Par son arrogance et son mépris de la population, il laissera les Prussiens bombarder la ville de Straßburg durant plusieurs semaines. Le tiers de la ville sera détruite, la bibliothèque incendiée, la cathédrale abimée.

 Les villages alentour sont occupés. Les fils télégraphiques sont coupés, la ville est isolée. La population est étonnée de la longue portée des canons et que les Allemands ne se contentent pas de bombarder les murailles mais le centre-ville. On déplore les premiers civils tués.

Uhrich menace la population strasbourgeoise de représailles.

Les bombardements sont délibérément dirigés contre les habitations dans le but de terrifier la population, afin qu’elle pousse les militaires à se rendre.

Des bruits courent qu’une manifestation hostile à la guerre est prévue le 15 août.  «En conséquence, il fait savoir que toute personne qui tenterait de troubler l’ordre sera arrêtée et traduite devant un conseil de guerre, qui rendrait son jugement dans les quarante-huit heures. Il n’y a que deux positions possibles dans les graves circonstances où nous sommes : Ami de la France ou son ennemi; tout le reste est effacé ».

 14/08/1870 : La gare, le faubourg de Saverne et le quai St-Jean sont bombardés.

De nombreux réfugiés des villages alentours cherchent refuge à Straßburg.

 16/08/1870 : les bombardements continuent.

De nombreuses maisons sont endommagées, plusieurs civils sont blessés ou tués. Une sortie est organisée en-dehors de la ville. Les militaires sont surpris par les tirs des Badois. Seul le colonel Fievet du 16ème régiment de pontonniers s’est avancé vers l’ennemi. Tout comme son cheval, il a été blessé d’une balle.

16/08/1870 : Les habitants ne sont pas informés de la situation par les Autorités.

Afin de les empêcher de se rendre compte de la situation, le préfet Pron interdit aux Strasbourgeois, sous peine d’incarcération de monter sur les tours des églises.

18/08/1870 : Sortie de l’armée française à Schiltigheim.

L’objectif est de brûler le maximum de bâtiments (brasseries, malteries, maisons de campagne) dans lesquels l’ennemi pourrait se cacher. Les arbres du cimetière de la ville sont abattus. En représailles, Straßburg est bombardé dès la tombée de la nuit. On déplore de nombreux dégâts humains et matériels.

21/08/1870 : la situation de la population civile est de plus en plus difficile.

La ville est en état de siège, depuis le 13 aucune nouvelle ne parvient de Paris. Ordre est donné de détruire toutes les maisons et de saccager les jardins au pied du mur d’enceinte, ce qui augmente le nombre de réfugiés dans la ville. Les cimetières extérieurs n’étant plus accessibles, les morts sont  enterrés dans des fosses communes au jardin botanique.

21/07/1870 : Prise de fonction du général Uhrich à Straßburg qui remplace Ducrot

23/08/1870 : Avis placardé dans la Ville, cosigné par Uhrich, Pron & Humann.

La situation est de plus en plus difficile, l’armée a besoin de renforts. Seule solution, armer les Strasbourgeois. Par peur de l’ennemi intérieur, ceux-ci seront équipés de matériel obsolète.

 «Habitants de Strasbourg. Le moment solennel est arrivé. La ville va être assiégée et soumise aux dangers de la guerre. Nous faisons appel à votre patriotisme, à votre virile énergie, afin de défendre la capitale de l’Alsace, la sentinelle avancée de la France. Des armes seront délivrées aux citoyens désignés par M. le Maire, à l’effet de concourir à la protection de nos remparts. Amis ! Courage ! La patrie a les yeux sur nous !

24/08/1870 : Bombardement de la vieille ville et de la bibliothèque.

Le bombardement débute à 20 heures et dure toute la nuit et fait de nombreuses victimes. Des trésors partent en fumée, les peintures du musée situé dans l’Aubette, le Temple-neuf, la Bibliothèque, ainsi que de nombreux édifices anciens. Des quartiers entiers ne sont que ruines, le feu se communiquant d’un immeuble à l’autre. La destruction de la bibliothèque est une catastrophe culturelle pour la région.Plus de 200.000 livres anciens, ainsi que des milliers d’incunables  sont incendiés, dont le célèbre « Hortus Deliciarum » (Jardin des délices). Ce manuscrit magnifiquement enluminé, rédigé par Herrade von Landsberg date de 1175. Parmi les nombreuses peintures disparues du musée de la ville, on peut citer des œuvres de : Martin Schongauer, Hans Memling, van Ostade, Claude le Lorrain, Tintoret, Véronèse.

25/08/1870 : Les Strasbourgeois demandent des comptes à Uhrich.

Uhrich n’a aucune chance de vaincre, il le sait. Son artillerie est désuète et bien moins efficace que les canons de  von Werder qui tirent à plus de 3000 mètres. Uhrich n’a que deux possibilités : se rendre ou se terrer derrière les fortifications de la ville et attendre sa destruction totale et la mort de centaines d’habitants.

Uhrich répond : « qu’il est en état de défendre la place, de la maintenir pendant plusieurs mois; mais qu’il lui est impossible, avec le peu d’hommes dont il dispose, de tenter une attaque sérieuse contre l’ennemi, dont les forces très-considérables pourraient écraser d’un seul coup la plus grande partie de sa petite garnison. Il veut donc ménager ses soldats et ne point s’exposer à affaiblir ses moyens de défense ».

 25/08/1870 : Le général von Werder demande par lettre, à Uhrich de capituler.

Arrogant et borné, Uhrich est prêt à sacrifier la ville et sa population : « Mes murs sont encore debout et je ne puis songer à rendre une place que l’honneur comme l’intérêt de la France m’ordonne de défendre jusqu’à la dernière extrémité ».

25/08/1870 : Tentatives de négociation de l’évêque de Straßburg

L’évêque de Straßburg, André Raess demande en vain à von Werner d’arrêter de bombarder la ville, d’épargner ses habitants et de diriger les hostilités contre la citadelle et sa garnison. L’évêque demande à Uhrich de payer une pension journalière à Werner pour qu’il arrête les hostilités. Les négociations ayant échoué, les bombardements nocturnes continuent, la toiture de la cathédrale est en feu, des vitraux sont brisés, des statues mutilées. L’hôpital civil est bombardé, son église est en feu.

31/08/1870 : Avis à la population d’Uhrich placardé dans la Ville.

«Nous général de division, commandant supérieur, vu l’état de siège, sur le rapport qui nous a été fait qu’une réunion de 300 personnes aurait été tenue hier matin, place Gutenberg, et que des motions illégales y auraient été formulées, Arrêtons :

Art. 1 : Tous attroupements ou réunions publiques quelconques sont interdits.

Art. 2 : Les contrevenants seront déférés au Conseil de guerre ».

 02/09/1870 : CAPITULATION DE NAPOLEON III À SEDAN.

Napoléon est fait prisonnier avec 120.000 soldats.

19/09/1870 : Une délégation de Strasbourgeois demande à Uhrich de capituler.

Au courant de la situation militaire en France, Uhring refuse de capituler et s’obstine à continuer la guerre au mépris des habitants.

27/09/1870 : Uhrich fait hisser le drapeau blanc sur la flèche de la cathédrale.

Les bombardements allemands cessent aussitôt.

 28/09/1870 : Capitulation du général Uhrich.

Extraits de la convention de Capitulation signée à Koenigshoffen à 2 heures du matin.

Art. 1 Le 28 septembre 1870, à 8 heures du matin, M. le général de division Uhrich évacuera la Citadelle, la porte d’Austerlitz, la porte Nationale, celle des Pêcheurs. En même temps, ces divers points seront occupés par les troupes allemandes.

Art. 2 Le même jour, à 11 heures, la garnison française et la garde mobile quitteront la place par la porte Nationale, se placeront entre la lunette 44 et le réduit 37, et déposeront les armes.

« Art. 3 Les troupes de ligne et la garde mobile seront prisonnières de guerre et se mettront immédiatement en marche avec leurs bagages…

[1] REUSS Rodolphe : Le siège de Strasbourg
[2] REUSS Rodolphe : Le siège de Strasbourg

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