Dès le début de la guerre en août 1914, le Land Elsaß-Lothringen, est envahi par l’armée française qui ne s’attend pas à une résistance armée des civils alsaciens qui sont forcément, pour elle, des immigrés originaires d’outre-Rhin. C’est de la ségrégation, toute la population avait la nationalité alsacienne. Comment des militaires francophones monolingues peuvent-ils faire la différence entre un Alsacien, un Badois ou un autre Germain ?
Pour le roman national, les vrais Alsaciens ont un cœur français
Dans un premier temps, plus de dix-mille civils alsaciens en âge de combattre, sont pris en otages et déportés en France dans d’odieuses conditions : enchaînements, coups de crosses, bains de foules hostiles, simulacres d’exécutions etc. Plusieurs habitants de Thann, dont le maire et le receveur des Postes sont fusillés. Il ne restait plus que des femmes, des vieillards et des enfants en Alsace occupée. Toute l’économie était en péril.
Dans les mois qui suivent, de nombreuses femmes, souvent avec enfants seront incarcérées, séparées de leurs familles, pour être échangées contre des Poilus prisonniers en Allemagne.
La réalité ne correspond pas au discours de Joffre à Thann
« Notre retour est définitif, vous êtes français pour toujours. La France vous apporte, avec les libertés qu’elle a toujours représentées, le respect de vos libertés alsaciennes, de vos traditions, de vos convictions, de vos mœurs. Je suis la France, vous êtes l’Alsace. Je vous apporte le Baiser de la France. »
La partie occupée par la France vit sous un régime de dictature militaire.
Aucun journaliste n’étant habilité à pénétrer en Alsace occupée, tous les reportages sont réalisés par Ministère de la guerre, publiés dans le « Bulletin des armées » et rediffusés dans la presse française. Les cartes postales sont également soumises à la censure, doivent porter un visa officiel.

Photo de propagande visée par l’armée. Les deux jeunes femmes déguisée en Alsacienne et en Lorraine portent le même accoutrement.
15/08/1914 : MESURES DE RIGUEUR CONTRE LES ALLEMANDS EN ALSACE
Au cours des dernières opérations, on a surpris en flagrant délit d’espionnage plusieurs personnes. Ces coupables ont été traduit en conseil de guerre. Plusieurs d’entre eux, entre autres le maire et le receveur de Thann ont été fusillés.

18/08/1914 : LES ALLEMANDS CIVILS D’ALSACE TIRENT SUR NOS TROUPES
Dans diverses localités de la Haute-Alsace, les immigrés ont tiré (devant Mulhouse notamment). A Cernay, une section déployée devant l’ennemi a perdu 38 hommes, tous atteints dans le dos : les coups de feu avaient été tirés du village, avant qu’aucun soldat allemand y eu pénétré. À Lutrau, l’instituteur a tiré sur une patrouille de cavalerie, tuant deux chevaux.
22/08/1914 : FUSILLADE (Le Temps)
Dans un petit village d’Alsace, une vieille femme de plus de soixante ans (une immigrée, cela va sans dire) aperçoit un groupe de cinq soldats français. Elle leur parle, les plaint d’avoir chaud, leur offre de se rafraîchir dans sa ferme qui était à cinquante ou soixante mètres. Ils la suivent. A peine entrés dans la cour, ils sont accueillis par une fusillade tirée des fenêtres du premier étage. Trois de nos hommes restent sur place, morts. Un autre, quoique blessé, réussit à échapper à ce guet-apens.
20/08/1914 : CONDAMNATION A MORT
Le conseil de guerre de Belfort vient de condamner à mort la femme d’un forestier allemand, accusée d’avoir scié le cou d’un soldat français. Son mari a été condamné à vingt ans de travaux forcés. Ils avaient tous deux attiré dans un guet-apens une patrouille de dragons français dont l’un fut tué et deux autres blessés par les soldats ennemis cachés dans la maison.
24/08/1914 : UNE FEMME PASSÉE PAR LES ARMES
La femme du forestier West de Schlierbach, cette infâme mégère qui avait attiré dans un guet-apens plusieurs soldats français et qui avait été condamnée à à mort par le conseil de guerre pour intelligence avec l’ennemi et recel d’ennemis, a été passée par les armes hier, au champ de tir du fort de la Justice. NDLR : Les West sont une vieille famille alsacienne de Schlierbach (source état-civil)
2/09/1914 : LE DROIT DES GENS VU DE BERLIN (Journal de Genève)
Berlin, 1er septembre. (Wolff). On mande d’Alsace que des patrouilles françaises ont enlevé comme otages, à plusieurs reprises, des Allemands et des Alsaciens, parmi lesquels se trouvaient des représentants de la Croix-Rouge.
Lorsque les Français se sont retirés de Mulhouse, ils ont menacé la bourgmestre de tuer, en revenant, deux fonctionnaires allemands pour chaque Français tombé. Les autorités allemandes sont indignées de tels procédés, contraires au droit des gens. L’opinion publique exige de sévères représailles.

2/10/1914 : LES FRANÇAIS EN ALSACE
Strasbourg 1er octobre (Wolff) Comme on l’a déjà annoncé les Français ont emmené comme otages à plusieurs reprises, notamment dans le district d’Altkirch, un grand nombre de personnes, et parmi elles, beaucoup d’instituteurs. Un officier français fit un jour à l’un d’eux cette remarque : « N’êtes-vous les propagateurs des idées allemandes ? » D’après la « Strassburger Post » tous les instituteurs alsaciens seraient transférés en France et remplacés en Alsace par des instituteurs d’origine française, de sorte qu’au bout de quelques années on ne parlerait plus que le Français en Alsace.
26/10/1914 : EN ALSACE (Gazette de Lausanne)
Strasbourg, 25 octobre. (Wolff.) On mande de Schlierbach (circonscription de Mulhouse) à la Strassburger Post : « Le 10 août, le forestier West et sa servante ont été faits prisonniers et emmenés
à Belfort par les Français parce que West avait soi-disant abrité sous son toit des soldats d’avant-postes allemands qui auraient tiré sur des patrouilles françaises.
« Une femme remise en liberté par les Français déclare que la servante de West a été fusillée et que ce dernier a été condamné à 20 ans de travaux forcés. »
31/10/1914 : LE CAS DU FORESTIER WEST ET DE SA FEMME (Le Temps)
Dans une dépêche datée de Strasbourg, du 26 courant, l’agence Wolff raconte que le forestier West, de Schlierbach (Haute-Alsace), et sa femme ont été, le premier, condamné à vingt ans de travaux forcés, et la seconde fusillée, parce qu’ils avaient abrité sous leur toit des soldats d’avant-postes allemands qui auraient tiré sur une patrouille française. Le motif est, on le sait, tout autre. « West et sa femme ont été ainsi condamnés, en août dernier, par le conseil de guerre de Belfort, parce qu’ils avaient sciemment attiré dans un guet-apens une patrouille française dont deux hommes furent blessés et un autre tué par les ennemis qui se cachaient chez eux.
6/12/1914 : AVIS DE HELMER, AVOCAT FRANCOPHILE COLMARIEN
D’autre part, j’ai entendu de nos soldat, voire des officiers, prétendre que des « Alsaciens », dans les villages avaient tiré sur les troupes françaises ! Personne n’en croira rien parmi ceux qui connaissent tant soit peu la situation. Ces militaires ne distinguaient pas entre la population alsacienne et les immigrés allemands.
JEAN-FRANÇOIS KAHN (Dna 21/11/2021)
J’ai retrouvé les lettres que mon grand-père envoyait à sa fiancée en 1914. Ces lettres sont parues dans un livre intitulé Journal de guerre d’un juif patriote (éd. Tallandier). En août 1914, l’armée française a brièvement réoccupé Mulhouse. Mon grand-père a écrit à celle qui deviendrait ma grand-mère qu’il était très déçu car la population les avait mal accueillis. Il y avait donc un certain nombre d’Alsaciens qui ne se sentaient pas si mal dans une Alsace allemande.
MOI FRITZ ROESS, PAYSAN ET POÈTE
Es war ein fast banges und ängstlisches Gefühl der Ohnmacht und des verlassenseins, dass uns diese uns Münstertälern so verhassen Franzmänner unsere friedlichen Gaue überfallen und uns nun unter ihre Herrschaft zwigen wollen.
C’est un moment angoissé d’impuissance et d’abandon, alors que ces français que nous détestions tant dans la vallée de Munster, envahissaient nos terres paisibles pour nous imposer leur domination.

