La partie de l’Alsace occupée par l’armée française vit sous un régime de dictature militaire. En sus de faire la guerre, l’armée s’en prend à la population civile.
L’armée française fait des incursions dans les mairies des villes et villages alsaciens. Sous la menace, elle force l’instituteur à fournir les noms et adresses des hommes non mobilisés afin de les capturer et de les incarcérer en France.
Les Alsaciens subiront des pressions afin qu’ils s’engagent dans l’armée française pour faire la guerre à leur patrie allemande. L’article 23 de la Convention de La Haye du 18 octobre 1907, signée par la France est claire à ce sujet :
« Il est également interdit à un belligérant de forcer les nationaux de la Partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées contre leur pays, même dans le cas où ils auraient été à son service avant le commencement de la guerre ».
La plupart des 18 000 engagés plus ou moins volontaires alsaciens-mosellans seront non-combattants dans les colonies françaises. Le gouvernement français ne respectera pas toujours ses engagements, quelques dizaines d’Alsaciens-Mosellans seront envoyés de force au front combattre leur patrie allemande.
La capture de milliers jeunes hommes vigoureux sera une catastrophe économique pour la région, tant à la ville qu’à la campagne. Les usines tourneront au ralenti à cause du manque d’ouvriers.
Le Roman national fera croire que l’Alsace occupée est heureuse.

Témoignage de l’officier bilingue Julien Arène dans son « Carnet d’un soldat en Haute-Alsace »
16 septembre 1914 : Rien de changé dans notre situation. Nous sommes toujours groupe mobile de la défense de Belfort, groupe des plus mobiles puisqu’une ou deux fois par semaine, nous faisons de lointaines randonnées. Notre but est toujours le même: nous ramassons les jeunes gens susceptibles d’être incorporés et tous les territoriaux non encore partis.
Cette tâche est très simple; on entre dans la mairie avec quatre hommes, baïonnette au canon ; l’instituteur donne la liste des conscrits que des patrouilles vont chercher. Et nous ramenons en France des tas de futurs soldats allemands…
17 septembre 1914 : Sondersdorf. L’instituteur tarde à venir. Heureusement, le curé de la paroisse, qui parle admirablement notre langue, nous donne l’adresse de tous les gens susceptibles d’être incorporés dans les rangs allemands. Nous parlons ensuite du retour de l’Alsace à la France, retour qui se fera sans difficulté, « avec beaucoup de joie », me dit mon aimable interlocuteur, qui s’enthousiasme à la pensée de redevenir Français. Le brave prêtre nous quitte pendant que nous dressons la liste des conscrits. Une altercation, qui a lieu dans l’escalier, me fait dresser l’oreille. C’est l’instituteur qui interpelle le curé en allemand : — Votre compte est bon. Les Allemands ne sont pas loin. Vous serez fusillé pour avoir donné des renseignements aux Français. Quelle chance de comprendre la langue ennemie! Je cueille le mouchard dans l’escalier et je le conduis au colonel à qui je raconte l’incident. Monsieur l’instituteur aura le plaisir de nous accompagner jusqu’en France…
Notre marche rapide en avant nous a valu plus de dix mille prisonniers : tous les réservistes alsaciens Qui n’ont pu rejoindre les bataillons auxquels ils étaient affectés. Ils s’en montrent très satisfaits, ce qui n’empêche qu’ils sont persuadés que la plus grande Allemagne marche de succès en succès. Des journaux répandus à foison les renseignent, des journaux qui mentent sans pudeur.
On part. Les femmes pleurent parce qu’on emmène les hommes valides.