Trains impériaux en Alsace-Moselle

Il est de bon ton pour les voyageurs français en Alsace, de critiquer l’architecture allemande des nouvelles gares du Land Elsaß-Lothringen qui ne sont pas très différentes dans leurs conceptions, des gares parisiennes.

Si la plupart des voyageurs critiquent les gares, ils ne parlent ni des trains ni du personnel de la compagnie des chemins de fer du Land Elsaß-Lothringen.

Lors de son voyage en 1885, Maurice Fauste est agréablement surpris, à la frontière de Deutsch-Avricourt,  par la courtoisie des fonctionnaires allemands et du confort des wagons.

 

DEUTSCH-AVRICOURT

Arrivée à la gare frontière de Deutsch-Avricourt

Nous descendons. On visite nos sacs d’un coup d’œil rapide. Cette formalité accomplie, les voyageurs passent dans les salles d’attente qui servent de buffet. L’étendue, la propreté, j’allais dire le luxe de ces Wartsaale est bien fait pour étonner de jeunes français habitués aux salles trop étroites et empuanties de nos gares les plus importantes. Le vaste hall carré des premières et secondes, haut de plafond, est carrelé de mosaïques ; un vaste comptoir assez semblable à celui de nos buffets, occupe le milieu d’un des côtés ; des tables sont disposées à l’entour de la salle, avec des divans contre les murs et des chaises.

Au moment du départ du train, un personnage sur la casquette on lit : « Portier » appelle les voyageurs pour Saverne et Strasbourg.

Dans le train allemand

« Les wagons allemands paraissent plus propres et plus confortables que les wagons de la Compagnie française de l’Est. Tous sont éclairés au gaz. Dans chaque train, il y a par classe, un compartiment appelé « Retirade », d’une utilité pratique que les voyageurs sauront apprécier dans ce pays, où l’on mange beaucoup, où l’on ne boit pas moins. (Depuis que ces lignes furent écrites, de notables progrès ont été accomplis par les compagnies françaises).

À la station qui précède Saverne, le chef de train se montre à la portière et nous enlève nos billets. Il en sera ainsi partout. On entre dans les gares et on en sort sans la moindre difficulté. (Encore un progrès en partie réalisé depuis quelques années par les compagnies françaises).

Le retour en France

À notre rentrée en France, l’attitude des employés des chemins de fer français comparée à celle des Allemands nous frappe. Au moment de passer la frontière nous descendons quelques minutes à la dernière station ; un employé nous salue en disant : « Veuillez monter, Messieurs ».

À la première station française, après la visite des bagages, un chef de train nous interpelle dans le même but : « Eh ! là-bas, on ne monte pas, quoi ! »

En 1885, à l’époque où fut fait ce voyage, nous reçûmes en Alsace un excellent accueil… quant à l’autorité allemande dont on aurait pu redouter les vexations, je dois vous dire qu’elle nous laissa aussi tranquille que si nous venions de Berlin au lieu de venir de Paris ; et que même les employés des diverses administrations furent d’une amabilité à laquelle les employés français ne nous avaient guère habitués ». (Là-bas, promenade en Alsace – Maurice Fauste (1885)

Critiques des gares par des germanophobes

Mais allez donc voir leurs prétentieux et ridicules monuments, la gare de Colmar ou le palais de l’Empereur à Strasbourg, ou les naïves et enfantines restaurations qu’ils font subir aux monuments anciens. Ces bâtisses baroques ou difformes font tâche dans nos paysages, tout comme la silhouette cocasse et biscornue de leurs auteurs… Tous les Français qui voyagent en Alsace connaissent les fameuses cariatides du hall de la gare de Colmar. Il serait difficile d’imaginer quelque chose de plus grotesque et de plus laid que ces bustes d’employés boches et de portefaix, coiffés de la casquette plate tenant en mains des tickets de chemin de fer des pinces de contrôleurs ou des colis. (WALTZ Jean-Jacques dit Hansi)

Pourquoi faut-il que les Allemands aient doté celle ville (Colmar) si aimable d’une gare qui est un vrai défi porté à la beauté, bien mieux, au bon sens ? Décidément, partout où ils ont passé, ces barbares ont semé la laideur avec l’oppression. (WETTERLÉ Émile L’Alsace et la guerre – 1919 – Collection « La France dévastée)

 Le voyageur qui arrive de Saverne descend à la nouvelle gare, immense monument de style quelconque, bâti, il y a quelques années, surtout en vue de la mobilisation des forces allemandes. Partout des quais immenses, des dégagements multipliés. (Abbé HOUDEBINE Timothée -Au pays des cigognes : impressions et souvenirs de voyage – 1907)

La ville est petite, à vrai dire ce n’est qu’un village, mais la gare est immense, absolument disproportionnée, c’est une gare stratégique. Immenses quais d’embarquement. Escaliers et couloirs souterrains. Si nous n’y avions pris garde juste à temps, nous eussions manqué notre train, faute d’être allés l’attendre sur le quai qu’il fallait, en descendant et remontant autant d’escaliers que dans le plus profond et le plus compliqué de nos métros. (ANNY Jean : Témoin d’Alsace – 1920)

Les Boches firent surgir d’invraisemblables bâtisses « en style de pâtisserie », lourdes et bizarres, ornées de fenêtres qui semblent un défi à la divine beauté de la lumière, et de portes massives qui évoquent les prisons et les oubliettes. Un chef-d’œuvre du genre se trouve à Colmar. La nouvelle gare est, en effet, un symbole de l’âme allemande. On y voit une maigre tour qui semble vouloir s’élancer, telle une aspiration d’idéalisme impuissant, et que retient fortement contre la terre la masse écrasée et pour ainsi dire reptilienne des salles d’attente. Salles d’attente ? Non salles d’auberge. (KRUMHOLTZ Charles : La vérité sur les sentiments des Alsaciens-Lorrains – 1917)

2 commentaires

  1. Merci pour cet article. Mon grand-père Christian ELSASS, entré à la Reichsbahn en 1900, est devenu chef de gare (premier poste Philippsburg). En 1918 il garde ce poste à Philippsbourg dans les Chemins de fer d’Alsace-Lorraine. Lorsque les Chemins de fer d’Alsace-Lorraine deviennent SNCF, il est muté comme Chef de gare de Wimmenau, son village natal. En 1940 il reprend le même service dans la Reichsbahn, puis en 1945 de nouveau dans la SNCF.
    Et il n’a jamais parlé un mot de français !

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