Dès le début de la guerre, tous les hommes âgés de 18 à 48 ans sont mobilisés. Les anciens Feldgrauen alsaciens ayant servi dans l’armée impériale, ont des soucis de communication avec les gradés dans les casernes françaises.
Témoignage :
Il ne s’agit pas d’évacuations mais bien d’expulsions. Celles-ci, en zones frontalières, sont d’une grande violence morale. Les personnes âgées, les femmes et leurs jeunes enfants sont expulsés manu-militari de leurs logements avec quelques kilos de bagages et de quoi se nourrir. Il est strictement interdit de fermer les portes à clé.
300 000 personnes expulsées ont quelques heures pour rejoindre des points de rassemblement, avant d’être embarqués dans des wagons à bestiaux. Il n’est pas toujours tenu compte de l’état physique des personnes, une de mes tantes accouchera en cours de route. On peut imaginer la détresse des femmes, incertaines de revoir un jour leur mari.
Il n’y a rien à voler chez mes grands-parents, aux murs de leur chambre est accrochés le « Vaterunser » (Notre Père) en gothique ainsi que le diplôme de confirmation de ma grand-mère de 1923, imprimé et rédigé en allemand. Les soldats français chargés de la surveillance visitent les habitations. Ils font leurs besoins dans le lit de mes grands-parents. Je les imagine, le soir, goguenards à la caserne : « On a chié dans le lit des Boches ».
Le voyage dure plusieurs jours, avec des arrêts-pipi toutes les quelques heures. Les Alsaciens sont disséminés dans de nombreux villages et hameaux. Le Gouvernement réalise un vieux rêve des Révolutionnaires : mélanger les Alsaciens chrétiens à une population francophone et peu pratiquante. Des aides sociales sont mises en place pour les expulsés.
Après la démobilisation, de nombreux Alsaciens ont réussi à rejoindre leurs familles dans le Sud-ouest de la France.
Fin 1940, les aides sociales sont supprimées, la plupart des Alsaciens devenus indésirables sont renvoyés chez eux dans des wagons à bestiaux.
À leur retour en Alsace, il n’y a rien à manger puisque tous les commerces sont fermés. Les Alsaciens sont pris en charge par la Croix-Rouge allemande qui a mis en place des « soupes populaires ».
Autre mauvaise surprise : le plus gros de l’Armée française, qui avait quitté l’Alsace avant l’arrivée des Allemands, s’était empressée de détruire routes, ponts, chemins de fers, écluses, pylônes électriques et télégraphiques, centrales électriques…
Moritz Gerber
Photos DNA
Il est plus que regrettable qu’il n’y ai pas de musée consacré à cette période.