1921 : Wetterlé et le problème des langues

Il faut toujours se méfier des élus qui portent un uniforme non-adéquat à l’exercice de leurs fonctions politiques. Toujours en robe, Wetterlé profitait de son aura d’homme d’église pour proférer des mensonges et contre-vérités sur l’Alsace. Il parlait au nom de tous ses habitants, qui selon lui haïssait l’Allemagne et voulaient tous REdevenir français (un grand nombre n’avaient jamais été français). Cela ne l’empéchait pas de critiquer l’influence néfaste des curés et pasteurs alsaciens sur leurs ouailles.

La question du bilinguisme et celle de l’école confessionnelle sont étroitement unies eu Alsace. La seconde, plus délicate, ne se confond pas cependant avec la première, bien que certains esprits de la droite politique en fassent les deux paragraphes d’un même chapitre. Sans se prononcer sur la valeur de l’école laïque, M. l’abbé Wetterlé, dans deux études publiées par la Revue de la Semaine et la Revue des Deux Mondes, vient de se désolidariser des «extrémistes cléricaux» (c’est sa propre expression) et d’affirmer que les croyants d’Alsace ne se solidarisent en aucune manière avec les quelques fanatiques, malheureusement très bruyants, qui, par tous les moyens, essaient de créer un particularisme alsacien dans la France unifiée, et pour y arriver plus sûrement, réparent constamment les brèches du mur chinois que l’Allemagne avait élevé entre la France et l’Alsace ».

Une déclaration aussi ferme, signée de M. Wetterlé, prend une importance essentielle si l’on songe qu’il vise, dans ses attaques, des ecclésiastiques et des députés, ses collègues d’Eglise et de Parlement. Sans doute, le passé de M. Wetterlé ne permettait pas de douter de ses convictions ardemment françaises. Il n’exigeait cependant pas un présent aussi net et courageux. L’attitude du député de Colmar est un appui précieux pour ceux qui défendent la langue française en Alsace, puisqu’elle a besoin de défenseurs.

« L’agitation en faveur de la Muttersprache est purement artificielle, dit encore M. Wetterlé. Inspirée aux uns par une simple paresse d’esprit, aux autres, peu nombreux, par des préjugés antinationaux, elle ne correspond nullement aux vœux de la population prise dans son ensemble. »

Cela est évident, si l’on en juge par les manifestations extérieures : les enseignes allemandes ont disparu après l’armistice, comme par enchantement, on entend de plus en plus de français dans les rues, et dans les magasins on sait vous servir en français.

Malgré tout, les détracteurs de la langue française ne travaillent-ils pas en vain. Les apôtres de la Muttersprache se recrutent parmi les ecclésiastiques des deux religions. Ils profitent du prestige de leur autorité et de l’empressement des fidèles à les écouter; il en résulte un courant d’esprit qui n’est pas sans gravité et qu’il importe d’endiguer.

M. Wetterlé a nettement délimité la source de ce mouvement en la dénonçant dans deux périodiques peu suspects de radicalisme.

La conclusion de cet événement — car on peut bien appeler ainsi le coup double de M. Wetterlé — semble la nécessité de créer une opinion catholique libérale et nationale. Il serait funeste de se priver du concours d’une force aussi considérable que la masse catholique de la population, sous prétexte que de ses rangs se détachent des théoriciens « insanes ». Comme le disait un professeur de l’Université, il faut veiller en politique à ne pas casser le fil… G. B.

 Source : Journal de Genève du 12/06/1921

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