Dès la déclaration de guerre, l’armée française envahit l’Alsace par le Sungau et les Vosges. Tous les hommes en âge de combattre sont arrêtes et emprisonnés en France. Dans son journal de guerre, Julien Arène, officier français bilingue raconte :
La garde-barrière est accueillante mais elle ne connaît pas un mot de français et je ne suis pas encore très ferré en allemand. Cette nuit m’a permis de faire des progrès considérables en langue boche. La méthode directe donne de surprenants résultats.
Notre marche rapide en avant nous a valu plus de dix mille prisonniers : tous les réservistes alsaciens Qui n’ont pu rejoindre les bataillons auxquels ils étaient affectés. Ils s’en montrent très satisfaits, ce qui n’empêche qu’ils sont persuadés que la plus grande Allemagne marche de succès en succès. Des journaux répandus à foison les renseignent, des journaux qui mentent sans pudeur.
16 septembre 1914 : Rien de changé dans notre situation. Nous sommes toujours groupe mobile de la défense de Belfort, groupe des plus mobiles puisqu’une ou deux fois par semaine, nous faisons de lointaines randonnées. Notre but est toujours le même: nous ramassons les jeunes gens susceptibles d’être incorporés et tous les territoriaux non encore partis. Cette tâche est très simple; on entre dans la mairie avec quatre hommes, baïonnette au canon ; l’instituteur donne la liste des conscrits que des patrouilles vont chercher. Et nous ramenons en France des tas de futurs soldats allemands…

17 septembre 1914 Sondersdorf
L’instituteur tarde à venir. Heureusement, le curé de la paroisse, qui parle admirablement notre langue, nous donne l’adresse de tous les gens susceptibles d’être incorporés dans les rangs allemands. Nous parlons ensuite du retour de l’Alsace à la France, retour qui se fera sans difficulté, « avec beaucoup de joie », me dit mon aimable interlocuteur, qui s’enthousiasme à la pensée de redevenir Français. Le brave prêtre nous quitte pendant que nous dressons la liste des conscrits. Une altercation, qui a lieu dans l’escalier, me fait dresser l’oreille. C’est l’instituteur qui interpelle le curé en allemand : — Votre compte est bon. Les Allemands ne sont pas loin. Vous serez fusillé pour avoir donné des renseignements aux Français. Quelle chance de comprendre la langue ennemie! Je cueille le mouchard dans l’escalier et je le conduis au colonel à qui je raconte l’incident. Monsieur l’instituteur aura le plaisir de nous accompagner jusqu’en France…
On part. Les femmes pleurent parce qu’on emmène les hommes valides.
