La rénovation de la Hohkönigsburg

Le château de la Hohkönigsburg a été érigé au 12ème siècle, puis démoli par les Suédois en 1633, durant la guerre de 30 ans.

Le club vosgien (Vogesenclub) fondé en 1872 trace de nombreux chemins de randonnées en montagne. Très vite, la ruine de la Hohkönigsburg devient le lieu de promenade privilégié des promeneurs alsaciens.

En 1899, le château est offert par la ville de Schlettstadt à l’empereur Wilhelm II qui confie sa restauration à l’architecte berlinois Bodo Ebhardt qui se charge de lui rendre son état originel. Les superbes peintures de style médiéval sont réalisées par l’artiste alsacien Léo Schnug.

Des crédits de pour la restauration du château son voté par les députés du Landesausschuss. L’abbé Wetterlé vote contre.  

Dès lors, les germanophobes alsaciens se déchainent sur le château de la Hohkönigsburg. Un certain Paul Heitz aurait trouvé une ancienne plaquette en ivoire montrant que la tour originelle était ronde et non carrée. Cette polémique refera surface dans les années 1970. Il faut à tout prix prouver que l’architecte allemand Bodo Ebhardt était incompétent. Parmi les critiques on trouve les incontournables abbé Wetterlé, Laugel, et bien sûr Waltz dit Hansi qui critique les fresques de Leo Schnug. On ose à peine imaginer le château décoré par Hansi… D’après eux, tous les Alsaciens considèrent la reconstruction comme une horreur.

La Hohkönigsburg inaugurée par Wilhelm II le 13 mai 1908 sera confisquée par le gouvernement français en 1918. Le 27 janvier 1919, le livre d’or du château sera subtilisé par Pétain qui le signera avant de le déposer au musée de l’armée aux Invalides.

SCHNUG LEO

Visite du château (10 décembre 1903) : Bulletin du Club vosgien n°20

À la porte d’entrée, un vin d’honneur et des sandwichs offerts par la ville de Schlestadt réconfortèrent les piétons fatigués de la montée. Ce réconfort physique fut suivi d’une jouissance intellectuelle. M. l’architecte Bodo Ebhardt de Berlin traita dans une relation aussi courte que lumineuse l’histoire du château, et ensuite son importance dans l’histoire de l’art et de la civilisation de l’époque qui le vit naître. Au nom des assistants, qui avaient écouté l’orateur avec beaucoup d’intérêt, M. le professeur Euting le remercia et poussa en l’honneur de l’empereur, le seigneur et maître du château, un vivat qui fut accueilli par une tempête d’enthousiasme. M. Bodo Ebhardt fit alors les honneurs de la forteresse et expliqua l’usage auquel avaient servi les différentes parties et celui qu’on leur destinait dorénavant.

Vote du financement pour la restauration de la Hohlandsburg[1]

Le coût des travaux s’élève à 4 millions de Marks, dont 700 000 à la charge du Reichsland Elsaß-Lothringen.  Le très francophile abbé Emil Wetterlé, a voté contre le financement du château. Lors des débats pour le vote du crédit demandé à l’Alsace-Lorraine pour la restauration du Haut-Koenigsbourg, Édouard Jaunez (Président du Landesausschuss de 1904 à 1911) défendit le projet. Il trouva l’opposition de l’abbé Wetterlé (pour le Centre). La somme fut votée.

[1] [1] La vie en Alsace

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1908 : Paul Heitz cherche à prouver que la Hohkönigsburg est un faux.

Il aurait découvert une plaquette en ivoire représentant le château dominé par une tour ronde, ainsi qu’une gravure ancienne. Son interprétation est fausse puisque la partie restante de la tour est carrée, comme celles de la plupart des châteaux alsaciens. Heitz présente ses « découvertes » à la Société industrielle de Mülhausen.

1908 : Bulletin de la Société industrielle de Mülhausen 

La Société industrielle de Mulhouse a reçu de M. Bodo Ebhardt, de Berlin, l’architecte du Haut-Koenigsbourg, un fac-simile d’une ancienne gravure du XVIe siècle, parue dans un ouvrage récent de Heitz. Cette gravure représente une armée de chats ayant des fers à cheval sur ses bannières, et faisant le siège d’une forteresse défendue par des souris. À l’arrière-plan, trois châteaux sur la montagne. M. Ebhardt demandait à la Société de déterminer si l’un d’eux est le Haut-Koenigsbourg. Le comité (d’histoire) discute la réponse rédigée par M. Lutz, conservateur bibliothécaire du Musée historique. M. Lutz met en doute que la gravure représente la bataille de Scherwiller près Châtenois et ne se montre pas plus affirmatif à l’égard du Haut-Koenigsbourg. Le comité approuve l’envoi de la lettre à M. Ebhardt.

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13 mai 1908 : Inauguration de la Hohkönigsburg par l’empereur Wilhelm II

Lichtenberger Henri – La Science et la vie (18/05/1915)

La restauration de Hoh-Koenigsbourg, par exemple, et un contresens artistique et un manque de goût dont la malignité alsacienne s’est fort divertie. Il n’apparaît pas davantage que la vie intellectuelle soit devenue plus intense en Alsace depuis la guerre… Reconnaissons, d’ailleurs, que le souci de culture a été, en définitive, chez les Allemands, chose secondaire.

Wetterlé Émile : L’Alsace et la guerre – la France dévastée (1919)

Nous voilà à quelques kilomètres seulement du château de Hoch-Koenigsbourg, ancienne ruine féodale, qu’un caprice de Guillaume II a restaurée et dont, les constructions massives et inélégantes sont, un attentat contre le bon goût et contre l’exactitude historique.

 Procès-verbaux de la Conférence d’Alsace-Lorraine. Séance du 28/10/1918

Au Haut-Koenigsbourg, on commet un acte de vandalisme inqualifiable et d’ailleurs trop connu pour qu’il soit nécessaire d’y insister, etc., etc.

Nos architectes des monuments historiques avaient laissé naguère en Alsace-Lorraine d’excellents exemples de leur savoir et de leur art. Que l’on compare seulement à la restauration de la cathédrale de Metz celle de Strasbourg, chef-d’œuvre d’érudition et de bon goût, exécuté sous la haute surveillance de Paul Boeswillwald (inspecteur général des Monuments historiques). Il est permis d’affirmer que notre commission des monuments historiques, au soin de laquelle sont représentées les tendances et les cultures les plus diverses, n’eut pas autorisé les étranges travaux que nous avons reprochés à l’administration allemande. Il faut ajouter qu’aucun de nos architectes ne les eût proposés.

Wetterlé Émile : L’Alsace et la guerre – la France dévastée (1919)

Nous voilà à quelques kilomètres seulement du château de Hoch-Koenigsbourg, ancienne ruine féodale, qu’un caprice de Guillaume II a restaurée et dont, les constructions massives et inélégantes sont, un attentat contre le bon goût et contre l’exactitude historique

Le Petit Journal – 29/10/1919 – Ah ! mon beau château !

Le Kaiser avait un château en Alsace – Une visite au Haut-Koenigsbourg

Guillaume II de Hohenzollern, empereur d’Allemagne et roi de Prusse, prince magnifique et fanfaron, voulut un jour avoir son château en Alsace. Il conçut cette pensée dans la forme de la dernière méthode germanique : il fallait que ce fût un acte à la fois politique et économique.

Pour qu’il fût politique, il fallait que l’emplacement du château lui fût offert par ses sujets alsaciens, qui prouveraient ainsi à quel point ils idolâtraient la Prusse, et pour qu’il fût économique, il suffisait que les mêmes Alsaciens fissent ensuite les frais de la construction et qu’ainsi il n’en coûtât rien à la cassette impériale. Voici comment ce grand programme fut réalisé : La chaîne des Vosges, qui penche doucement vers la Lorraine ses forêts, ses délicieuses vallées et ses rivières qui vont se confondre dans la Moselle, se termine au contraire du côté de l’Alsace par une arête brusque qui domine admirablement l’admirable plaine. Sur les sommets de cette sorte de muraille crénelée formée par la nature se sont nichés au moyen âge des châteaux aujourd’hui en ruines qui sont particulièrement nombreux en Haute-Alsace, dans la région qui domine Mulhouse et Colmar. La seule petite et charmante ville de Ribeauvillé, qui s’enorgueillit justement de n’avoir jamais eu que des représentants protestataires — c’est la circonscription de notre cher abbé Wetterlé — est entourée par trois de ses châteaux haut perchés qui lui font comme une couronne féodale. Tout près et plus élevé que les autres était le château du Haut-Koenigsbourg, dont la ruine appartenait à la commune de Schlestadt : c’est cette ruine qu’on fit offrir à l’empereur par quelque tour de passe-passe.

La vue du Haut-Koenigsbourg’ est incomparable, à la fois classique, si j’ose dire, et romantique : romantique par les immenses forêts, où souvent traînent les nuées, qui vous entourent, classique par la belle, riche et calme ordonnance de la plaine d’Alsace à vos pieds. Reconstruire le Haut-Koenigsbourg, y installer l’aigle de Prusse qui prendrait ainsi possession de l’Alsace et la garderait en ses serres, symbole saisissant à l’aide duquel on décida le Reichstag et on contraignit l’assemblée provinciale de Strasbourg à prendre chacun à sa charge la moitié des frais de la restauration, six millions de marks en tout.

Après quoi, on livra le château et les six millions à un architecte qui, sous prétexte de reconstitution historique exacte, fit de la noble ruine une horreur munichoise. Tout là-dedans est compliqué, étroit, aucune grandeur, sans grande leçon ou grande impression historique.

La mascarade de 1908

Quand le travail fut terminé en 1908, on fit une inauguration solennelle, figurantla remise du château an nouveau seigneur par tous ses vassaux. Ce fut un beau carnaval. On avait réuni tout ce qu’il y avait en Alsace de notabilités serviles : magistrats, bourgmestres, etc. ; on les avait affublés d’armures, morions et salades. Chacun figurait un personnage du moyen âge : seigneur, homme d’armes, prélat ; toute cette mascarade grimpa au Haut-Koenigsbourg pour remettre le château au nouveau maître. Une scène d’une telle bouffonnerie et si caractéristique du germanisme contemporain fut heureusement notée et conservée pour la postérité. Hansi veillait. Non qu’on l’eût invité, mais il guettait la mascarade et vit redescendre les fantoches casqués : il en fit un recueil qui eut naturellement un succès fou, aujourd’hui introuvable.

Guillaume II venait parfois au Haut-Koenigsbourg, seulement pour quelques heures, car le château est inhabitable : il était toujours précédé par une dizaine de cuisiniers. Il y est venu une fois pendant la guerre.

L’un de ses serviteurs, qui occupait le château et qui sert sans doute aujourd’hui dans quelque antichambre d’Ebert ou de Noske, forgea pour le dernier séjour de l’empereur un devant de cheminée. Il chercha sans doute ce qui pouvait plaire le plus au maître et inscrivit sur son œuvre la parole impériale : « Je n’ai pas voulu cela ! » Parole hypocrite de fausse pitié, et parole menteuse. Mais déjà parole de vaincu. Imagine-t-on que Guillaume II, s’il avait pensé que la guerre put se terminer par la victoire, n’eût pas répété avec forfanterie.

Le Livre d’or est aux Invalides

On tenait registre, au château, des augustes visites de l’empereur. Chaque fois, il signait et datait sur un livre d’or. Lorsque, installant ses troupes en Alsace, le maréchal Pétain passa au Haut-Koenigsbourg, il inscrivit ces mots sur le registre, à la page 33 :

« Le maréchal Pétain et le général Gouraud ont visité, aujourd’hui 27 janvier 1919, le château de Hohkönigsburg. Par ordre du maréchal, le présent registre est arrêté à la date de ce jour et retiré du château pour être envoyé au général Niox, directeur du musée de l’Armée, en l’Hôtel des Invalides. 

PÉTAIN, Commandant en chef des armées de l’Est. Général GOURAUD, Commandant la IV armée.

Et le maréchal envoya le registre au Musée de l’Armée, aux Invalides. Ce château de faux moyen-âge est décidément plein de symboles contemporains.

Il est aujourd’hui confié à la garde du lieutenant Walter, un enfant de Schlestadt qui servit vingt ans dans l’armée française, devenu en peu de temps excellent archéologue et qui fait les honneurs de sa résidence avec la bonne grâce la plus martiale. Il est gouverneur du Haut-Koenigsbourg pour la République française.

Qu’est-ce que la République française va faire de ce château, qui va être remis sans doute à l’administration des Beaux-Arts ? La première idée qui vient à l’esprit, c’est de restaurer la ruine, qui était noble et grande, en faisant sauter l’œuvre de l’architecte boche. Ou plutôt ne conserverons-nous pas ce monument si exact du mauvais goût et de l’orgueil germaniques, comme le souvenir du temps de prison de l’Alsace ? (Etienne Fournol)

Hallays André : A la France : sites et monuments – l’Alsace (1929)

Avant 1899 la ville de Sélestat était propriétaire du Haut-Kœnigsbourg, mais elle était trop pauvre pour exécuter les travaux nécessaires à la conservation des débris de ce château, la plus magnifique peut-être et la plus émouvante des forteresses des Vosges. Elle eut donc l’idée d’offrir ce domaine à Guillaume II. Celui-ci accepta le présent et confia à l’architecte Bodo Ebhart le soin de restaurer le Haut-Kœnigsbourg, c’est-à-dire de le rebâtir et de lui rendre l’aspect qu’il avait ou aurait dû avoir à la fin du XVème siècle. Ainsi fut fait. Ensuite des « professeurs » consciencieux meublèrent les salles du château et couvrirent les murailles de peintures, désolants pastiches dont Hansi a su si bien rendre l’ineffable ridicule.

Si l’on contemple la grande forteresse dressée sur ce bastion avancé des Vosges et dont les escarpements boisés tombent à pic sur la plaine d’Alsace, on comprend la pensée de Guillaume II, lorsqu’il voulut faire du Haut-Kœnigsbourg l’emblème de la souveraineté impériale sur la province conquise.

Réhabilitation du château (1967-1973) Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire (2005)

Les travaux de Bodo Ebhardt au Haut-Koenigsbourg sont à replacer dans ce contexte, à la fois lié à une discipline naissante et à son oubli ultérieur. Dans ce cas précis, cet oubli a été volontaire, l’entreprise de restauration du château étant devenue en Alsace l’un des symboles du pangermanisme. Deux articles de Hans Zumstein en 1967 et 1974, démontrant le sérieux de l’analyse de l’architecte dans ses travaux de restauration, engagent en quelque sorte un processus de réhabilitation scientifique. L’action de Jean Favière, ancien directeur des musées de Strasbourg et conservateur « bénévole du monument, engagée » en 1984 en faveur de l’accueil du public, amplifiée ultérieurement par Monique Fuchs, son premier conservateur à plein temps, consacre, elle, les retrouvailles des Alsaciens avec l’un de leurs grands monuments.

Dans les années 1970, la plaquette de Paul Heitz est ressortie par des germanophobes alsaciens qui ne supportent pas la réhabilitation de la Hohkönigsburg.

Un commentaire

  1. Ouais les vieilles pierres symbolisant les pouvoirs impériaux , qu’ils fussent à Hohkonigsburg ou à Versailles… j’en ferais des Ehpad ou des HLM moi.

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