1793 : La Terreur révolutionnaire en Alsace

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Pour le Roman national les rapports de l’Alsace avec la Révolution se résument à un supposé patriotisme des Alsaciens, la Marseillaise et à de nombreux généraux engagés dans l’armée française durant les guerres napoléoniennes.

Les Alsaciens sont mécontents du régime dictatorial des Révolutionnaires, du déplacement de la frontière des Vosges sur le Rhin, qui les isole des autres peuples germaniques, de la profanation des édifices religieux, de la francisation des prénoms allemands, des attaques contre leur religion et leur langue maternelle, de la conscription obligatoire, et des séquestrations de biens.

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Le grand oublié des livres d’Histoire est Sigmund von Wurmser un brillant général alsacien, qui combattait dans l’armée autrichienne. (Straßburg 1724 – Wien 1797)

Le 13 octobre 1793, l’armée française du Rhin, commandée par le général Pichegru est battue par les Autrichiens commandés par Sigmund Wurmser. L’armée autrichienne envahit le nord de l’Alsace et s’aventure jusqu’aux fortifications de Straßburg. Wurmser et ses régiments sont accueillis en libérateurs par la population.

Le 20 octobre 1793, Saint-Just & Lebas sont envoyés en Alsace par le Comité de Salut-public. Ils sont nommés commissaires du Bas-Rhin pour rétablir l’ordre dans la région.

« Depuis plusieurs jours, citoyens, nous vous avons recommandé de rechercher et de faire arrêter les gens suspects dans le district de Strasbourg. Nous savons que dans cette seule ville il en existe des milliers, et cependant vous êtes encore à nous fournir le premier nom de cette liste des ennemis de la République. Il devient plus instant de jour en jour de les arrêter. Hâtez-vous donc de les reconnaître. Nous désirons savoir dans le jour le nom de tous les gens suspects dans Strasbourg ». A Strasbourg, le 9 du deuxième mois de l’an 2 – Saint-Just & Lebas.

Le 2 novembre 1793, quarante administrateurs du Bas-Rhin sont arrêtés. Ils sont accusés par Saint-Just et Lebas, commissaires dans le Bas-Rhin, de conspirer avec les émigrés alsaciens, afin de livrer la ville de Straßburg au général autrichien Wurmser. La majeure partie de la municipalité de la ville sera emprisonnée à Châlons. Douze administrateurs seront relâchés grâce à l’intervention du maire républicain, Monet, qui est maintenu dans ses fonctions.

« Les Représentants du peuple, envoyés extraordinairement auprès de l’Armée du Rhin, sont informés que les ennemis ont pratiqué des intelligences dans Strasbourg parmi les autorités constituées. Considérant l’imminence du danger, les Représentants arrêtent ce qui suit :

  • Art 1. L’administration du département du Bas-Rhin est cassée; les membres seront arrêtés sur-le-champ, à l’exception des citoyens Neuman, Didier, Mougett, Berger, Telerel, et seront conduits de suite en arrestation à Metz.
  • Art 2. Les citoyens Neuman, Mougeat et Telerel, formeront une commission provisoire pour l’expédition des affaires.
  • Art 3. La municipalité de Strasbourg est également cassée, à l’exception du citoyen Monet, maire. La société populaire remplacera la municipalité par une commission provisoire de douze membres pris dans son sein, dont le plus âgé remplira les fonctions de procureur de la Commune. Les membres de la municipalité seront conduits en arrestation à Châlons.
  • Art 4. L’administration du district de Strasbourg est également cassée ; cinq membres élus par le comité de surveillance de ladite ville en rempliront provisoirement les fonctions. Les membres du district de Strasbourg seront conduits en arrestation à Besançon.
  • Art 5. Le commandant de Strasbourg et le comité de surveillance de ladite ville, sont chargés d’exécuter le présent arrêté, de manière à ce que les membres des autorités cassées soient hors de la ville demain à huit heures du matin.

A Strasbourg, le 12 du deuxième mois de l’an 2 – Saint-Just & Lebas »

Les représentants, etc., arrêtent ce qui suit : La municipalité de Strasbourg fera arrêter, sous vingt-quatre heures, tous les présidents et secrétaires des sections lors du 31 mai, et tous ceux qui ont manifesté quelques connivences avec les fédéralistes. A Strasbourg, le 16 du deuxième mois de l’an 2 (6 novembre 1793) – Saint-Just & Lebas »

Les représentants, etc., arrêtent que le particulier le plus riche imposé dans l’emprunt de neuf millions, qui n’a point satisfait dans les vingt-quatre heures à son imposition, sera exposé demain, 18 du deuxième mois, depuis dix heures du matin jusqu’à une heure sur l’échafaud de la guillotine. Ceux qui n’auront point acquitté leur imposition dans le jour de demain, subiront un mois de prison par chaque jour de délai, attendu le salut impérieux de la patrie. A Strasbourg, 17 du deuxième mois de l’an 2 (7 novembre 1793) – Saint-Just & Lebas ».

Le maire de Strasbourg excitera le zèle de tous les citoyens, pour faire fournir à l’armée des souliers, des habits et des chapeaux. Il rendra compte demain par écrit des mesures qu’il aura prises et de leurs effets. A Strasbourg, 17 du deuxième mois de l’an 2 Saint-Just & Lebas »

Dix mille hommes sont nu-pieds dans l’armée, il faut que vous déchaussiez tous les aristocrates de Strasbourg, et que demain, à dix heures du matin, les dix mille paires de souliers soient en marche pour le quartier-général.

Die Bürgerinnen Straßburgs sind eingeladen die teutsche Tracht abzulegen, da ihre Herzen fränkisch gesinnt sind. Straßburg den 25ten Nebelmonat im zweiten Jahr der einen und unzertrennlichen Franken-Republik. (19 novembre 1793)

« Les Citoyennes de Strasbourg sont invitées de quitter les modes allemandes puisque leurs cœurs sont français». 29 Brumaire, an 2 Saint-Just & Lebas.

Le 23 novembre 1793, le Conventionnel Élie Lacoste propose de guillotiner le quart des Alsaciens pour éradiquer la résistance aux idées nouvelles.

« Les représentants, etc., chargent la municipalité de faire abattre dans la huitaine toutes les statues de pierre qui sont autour du temple de la Raison, et d’entretenir un drapeau tricolore sur la Tour du Temple.

Les représentants, etc. arrêtent que tous les vases des temples de Strasbourg et les dons patriotiques des citoyens seront transférés à Paris. Ils invitent la municipalité à choisir deux de ses membres pour présenter lesdits vases et dons à la Convention ». (24 novembre 1793)

Le 29 décembre 1793, Friedrich Philipp de Dietrich, l’ancien maire de Straßburg chez qui a été chantée la Marseillaise, est guillotiné.

Le 26 décembre 1793, les volontaires de Hoche prennent le Geisberg à la baïonnette en criant : « Landau ou la mort ». Lors du repli des Autrichiens, près de 30 000 habitants du nord de l’Alsace, bourgeois, curés, nobles, ouvriers et paysans, fuyant la terreur, quittent la région et se réfugient en Pays de Bade, en Bavière, au Palatinat ainsi qu’en Suisse.

« Les Alsaciens « étaient plus attachés aux tyrans d’Autriche qu’à la République française et conspiraient jour et nuit pour rentrer sous la domination de leurs anciens maîtres. » (Reuss: la grande fuite p 16)

«Les patriotes ont de nouveau occupé toute l’Alsace, défait entièrement les Allemands et commis les plus terribles excès, égorgeant de la façon la plus inhumaine tout ce qui leur tombait sous la main, vieillards, femmes et enfants… Toute cette partie de l’Alsace est dans la désolation; tous ceux qui ont pu le faire se sont enfuis. On se pressait tellement pour passer le Rhin qu’il était impossible à tous d’y parvenir et que les mères, avec leurs petits enfants dans leurs bras, se sont jetées dans le fleuve et s’y sont noyées plutôt que de tomber entre les mains de ces monstres sans pitié ». (Baronne de Bode, lettre à sa sœur le 3 janvier 1794)

2 commentaires

  1. « 1793 : la Terreur en Alsace ».

    Je ne reviendrais pas sur le événements cités dans cet article riche et intéressant en précisions diverses.

    Que l’auteur me permette néanmoins de souligner TROIS AMBIGUÏTÉS qui me gênent en tant qu’historien de formation et de métier, attaché certainement autant à l’Alsace.

    1) L’histoire ne saurait être un alignement d’événements, aussi justes soient-ils. L’histoire est aussi confrontation à un contexte de culture et d’idées qui donnent un sens à ces événements. Ne pas se rompre à cet exercice, c’est prendre le risque de remplacer un roman national par un roman régional. Les deux nous incitent tout autant à des errements trompeurs.

    2) Faire de l’histoire dans le sens scientifique et honnête du terme, c’est d’abord commencer à réfléchir sur la définition des termes et concepts utilisés. Ceci est certainement plus particulièrement important dans une région comme l’Alsace, où l’histoire a lourdement chargé les mots et les concepts. Nous avons ainsi souvent facilité la vie aux dénigreurs du concept d’autonomie, qui ont voulu réduire ce concept à de l’ « ethno-régionalisme », alors que le terme peut être d’une modernité remarquable, surtout lorsque nous considérons comment il est traité en Allemagne ou en Suisse.

    3) Nous en arrivons ainsi à des confusions qui entraînent sur des chemins hasardeux. La période révolutionnaire (1789-1799-1815) ne peut pas être réduite à la période jacobine de la Révolution (1792-1794), même si on doit en convenir que les néfastes idées jacobines infestent jusqu’à nos jours la France. D’ailleurs, c’est ce qui se cache bien derrière la citation de Roland Bilger, « La Révolution mange ses enfants ». En ce qui concerne donc cette désignation de « révolutionnaire », l’auteur risque donc d’inclure également des groupes qui peuvent être bien plus proches de l’autonomisme qu’il ne peut le penser. Pour ce qui concerne monsieur LE COMTE VON Wurmser n’oublions pas que se sont certainement autant ses quartiers de noblesse qui lui ont donné ses fonctions de général. À trop le louer, ne prenons-nous pas le risque de faire l’éloge de la société de privilèges de l’Ancien Régime ?

    Pour conclure, le problème n’est pas « La liberté, l’égalité et la fraternité ». Ce sont de grandes idées fondatrices de la démocratie contemporaine. Le problème est bien davantage ce que les Jacobins en ont fait, c’est à dire une « dictature de la vertue » (Robespierre).

    Et l’intolérance ne commence-t-elle pas souvent avec les gens se prétendant vertueux ? Bref, soyons méfiants lorsque nous utilisons ces mots précieux de liberté, d’égalité et de fraternité. Des personnages moins bien intentionnés interpréteront sans scrupules cette critique comme une justification du populisme, voire du totalitarisme.

    Que l’auteur me pardonne cette mise au point qui me semble aussi importante que nécessaire.

    Amicalement,
    JMN

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