L’État-Nation, un mythe jacobin

Les seules frontières naturelles d’un pays sont les mers, les chaînes de montagnes ainsi que les langues parlées par les habitants. Pour cette raison, l’État va s’attaquer aux langues maternelles qualifiées avec mépris d’idiomes ou de patois. Les régions historiques vont être remplacées par des départements portant des noms de montagnes, de mers ou de cours d’eau.

En 1789, seuls 9 % des habitants de la République comprennent le français.

Afin d’unifier les territoires disparates annexés par les rois de France, les  Révolutionnaires introduisent le concept d’État-Nation qui remplace la maxime de Louis XIV : « L’État c’est Moi ».  Ils vont créer un état centralisé

 L’État-Nation est un état centralisé qui refuse le fédéralisme.

« Le fédéralisme & la superstition parlent bas-breton; l’émigration & la haine de la République parlent allemand ; la contre-révolution parle l’italien, & le fanatisme parle le basque. Brisons ces instruments de dommage et d’erreur. Il faut que la langue allemande, peu faite pour des peuples libres, issue d’un gouvernement féodal ou militaire, dont elle est le plus digne organe, soit anéanti »[1]

Pour l’Unesco, l’État-Nation n’existe pas.

« L’État-Nation est un domaine dans lequel les frontières culturelles se confondent aux frontières politiques. L’idéal de l’État-Nation est que l’État incorpore les personnes d’un même socle ethnique et culturel. Cependant, la plupart des États sont polyethniques. Ainsi, l’État-Nation « existerait si presque tous les membres d’une seule nation étaient organisés en un seul État, sans autres communautés nationales présentes. Bien que le terme soit souvent usité, de telles entités n’existent pas ».

 Michel Rocard, ancien Premier ministre  à Craig Stapleton, ambassadeur des USA à Paris   

« La France s’est créée en détruisant cinq cultures : le Breton, l’Occitan, l’Alsacien, le Corse et le Flamand. Nous sommes la seule nation européenne qui est la création militaire d’un État non homogène ».

« France created itself by destroying five cultures: Breton, Occitan, Alsacian, Corsican and Flemish. We are the only European nation which is the military creation of a non-homogeneous State».

[1] Rapport du Comité de salut public sur les idiomes par Bertrand Barère (1794)

2 commentaires

  1. Excellent billet, court.
    Pour répondre à fransl je dirais que la question n’est pas tellement de la philosophie politique, mais plutot des méthodes d’action !
    Les colonnes infernales, comme toutes les autres armées coloniales, n’ont rien à envier aux einsatz gruppen, ou aux légions romaines ( voire Vénètes dans la guerre des Gaules par exemple )

    Le nationalisme a été est est une force puissante pour l’émancipation des peuples et par là les individus ; il doit s’éteindre avec la victoire, comme le golem. Bref. Rocard oublie bien des cultures locales, en Savoie, en Catalogne… et les colonies d’outre mer aussi ce me semble, non ?

    La démocratie …des survivants, des màles blancs, en plus du reste, comme dirait un président « complexe ».

    Cela dit quand la région fusionnant les départements a été proposé par référendum, elle a été refusée, par qui ? pour quoi ? mes ami.e.s africain.e.s, du nord et du centre, sont fier.e.s de leurs aculturations françaises ; quand on songe que pour s’émanciper les jeunes femmes dépendent d’une métropole, on comprend aussi que les cultures traditionnelles peuvent avoir des aspects étouffants.
    De là à bénir le centralisme démocratique, le nivellement et l’uniformisation … il y a un pas qu’on peut difficilement franchir sans endosser la brutalisation systématique.

  2. Ce n’est pas faux, même s’ils avaient l’excuse de l’unité de la nouvelle nation (les menaces venant de l’intérieur étaient réelles). Reste à mettre en perspectives, les cafouillis d’une émancipation de la société française sans aucun précédent; la division entre jacobins de langue française avec celle de langue allemande; les feuillants.

    Le débat entre les avantages et inconvénients du fédéralisme et du centralisme est loin d’être clos. Les enjeux sont nombreux et légitiment deux façons de penser une république. Il m’intéresse au plus haut point. Intellectuellement, je défends une certaine idée du centralisme qui bien sûr entre en conflit avec d’autres libertés et protections que je défends. C’était une grande erreur de psychoter sur la barrière linguistique, religieuse ou culturelle. Un raisonnement un peu long à développer, mais qui peut se résumer dans les gros traits par: on se replie sur soi quand tout va mal et l’on s’ouvre aux autres quand tout va bien.

    Tout est politique / tout est philosophique et l’Alsace souvent est divisée dans des intérêts contradictoires. La citation de Rocard est succulente et pointe une vérité historique qui force à la mesure et à l’humilité quand on défend le centralisme.

    C’est un très bon billet 🙂

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