Histoire chronologique de l’Alsace (1)

« Pour liquider un peuple, on commence par lui enlever sa mémoire. On détruit ses livres, sa culture, son histoire. Puis quelqu’un d’autre lui écrit d’autres livres, lui donne une autre culture, lui invente une autre histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est, et ce qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. » Milan Hübl.

L’histoire officielle de l’Alsace, mensongère et partisane, a été écrite à partir de 1871 par des historiens revanchards. La propagande est devenue « Vérité historique ». Pour le Roman national, l’origine des Alsaciens ne peut être que gauloise. Selon certaines sources, ils viennent de l’Ouest, pour d’autres, les Alsaciens auraient longé le Rhône puis la Saône avant de s’établir sur la rive gauche du Rhin qui sépare les Celtes des Germains. Par contre, le Roman national ne peut expliquer comment des ex-Gaulois s’expriment dans une langue étrangère, l’allemand et ses variantes dialectales.

Empereur allemand né à Aachen (Aix-la-Chapelle) sa langue maternelle est le francique, toujours parlé au Palatinat et en Moselle. Pour le Roman national, il se nomme Charlemagne, il est un empereur français né à Aix-la-Chapelle. Certains parlent même d’un empereur gaulois.

L’empire de Karl der Große est partagé entre ses trois petits-fils. L’Alsace fait partie du territoire de Lothaire.

Heinrich der Vogler (Henri l’Oiseleur) est le père du fondateur du Saint-Empire germanique, Otto der Große.

Les troupes de l’évêque sont battues par les milices de la ville à la bataille d’Oberhausbergen.

De nombreux Juifs, accusés d’empoisonner les puits sont massacrés

C’est une ligue de dix villes libres impériales (Freie Reichsstädte) situées en Alsace. Elles ne dépendent que de l’Empereur du Saint-Empire-Germanique, auquel elles sont liées pour l’éternité et jouissent de la supériorité territoriale. Elles siègent et votent aux Diètes de l’Empire. Les autres villes sont municipales, dont immédiatement soumises à un état de l’Empire. La ligue est improprement dénommée Décapole par la France à partir du 17ème siècle.

L’Alsace fait partie du Saint-Empire-Germanique (Heiliges Römisches Reich). En l’an 1495, lors d’une assemblée générale au Reichstag de Worms l’empereur Maximilian a modernisé son administration et réorganisé l’Empire en 10 Kreis ou cercles, qui ont obtenu la possibilité de se doter d’un Landtag ou Parlement afin d’y régler les affaires les concernant. L’Alsace fait partie du Rhin-Supérieur (Oberrheinischer Kreis). En font également partie : le Palatinat, la Lorraine La Franche-Comté et la Savoie.

À l’Ouest, l’Alsace possède une frontière commune avec le duché de Lorraine, et la Franche-Comté qui font tous deux parties de l’Empire. Au sud, l’Alsace est limitée par la Confédération helvétique.

Au Nord ainsi qu’à l’Est les frontières de l’Alsace sont vagues puisque les différents domaines sont imbriqués les uns dans les autres. Le Palatinat, Württemberg, tout comme l’évêque de Straßburg possèdent des territoires de chaque côté du Rhin.

Le plus important domaine alsacien, situé dans le Sundgau appartient à la famille impériale des Habsburg. L’Alsace comprend également deux républiques indépendantes : Mülhausen & Straßburg, dix villes libres impériales (Freie Reichsstädte), des principautés des seigneuries ainsi que des terres épiscopales.

La population alsacienne est en majorité protestante. Les catholiques du nord de l’Alsace dépendent de l’évêché de Straßburg dont le siège épiscopal se trouve à Zabern depuis 1394. Ceux du sud de l’Alsace, font partie de l’évêché de Basel dont le siège est au Château de Porrentruy depuis 1527. Les deux évêques ont été chassés par la bourgeoisie des villes de Straßburg et Basel.

Près de 40 000 paysans révoltés sont tués en Alsace

Il s’agit d’un accord impérial final d’une diète impériale, qui contenait les dispositions relatives aux relations futures entre les deux confessions, l’ancienne confession catholique et la confession d’Augsburg (nommée d’après la Confessio Augustana de 1530). Le texte est un compromis : « Cujus regio, ejus religio » (Tel prince, telle religion) L Leurs sujets doivent pratiquer leur religion de leurs maîtres. Ils ne dépendent plus du Vatican.

Le Luthérien Mansfeld chef de l’armée de l’Électeur-Palatin, saccage et rançonne le pays, sans tenir compte des alliances militaires. Il discrédite complètement les protestants. « Il entreprit d’abord de s’emparer de Maurmünster[1], riche Abbaye à une lieue de Saverne. Les Paysans qui s’y étaient réfugiés, s’y défendirent ; mais enfin il fallut céder à la force. Mansfeld s’en rendit maitre après y avoir perdu trois cents hommes. De là il mit au pillage les bourgs & les villages d’alentour, d’où il emmena tous les chevaux & plusieurs chariots chargés de butin. S’étant ensuite approché de Haguenau, il somma le Magistrat de lui donner deux cent mille florins & de se rédimer du pillage à ce prix, sous peine de voir leur Ville forcée, & les villages qui l’environnent, livrez à la fureur du Soldat. Ces menaces obligèrent les habitants de lui compter cent mille florins ».[2]

Richelieu, au nom de Louis XIII & Gustav Adolf 1er signent un traité d’alliance contre le Saint-Empire-Germanique. La France s’engage à financer l’armée suédoise à raison de 400.000 écus par ans, jusqu’à la fin du conflit. En échange, la Suède envoie 6.000 chevaliers et 30.000 fantassins se battre en Allemagne.

Gustav Horn est allié avec le Rheingraf Otton-Ludwig. Son armée est forte de 10.000 hommes de troupe et pourvue de 10 canons. Les villes d’Erstein, Oberehnheim, Rosheim, Benfeld sont pillées. « Cette conquête fut suivie de la prise d’un grand nombre d’autres Villes & de Bourgs d’Alsace. Le Rheingraf s’empara de Markelzeim (Marckolsheim) comme il y trouva de la résistance, il fit passer au fil de l’épée une partie de la Garnison, & le reste fut fait prisonnier. Il se saisit de même d’Epfig, de Dambach, de Guemar, de Berken[3], de Moutzic[4], Kestenholz[5] ayant voulu se défendre, fut emporté, & on y massacra tous ceux qu’on y trouva les armes à la main ». [6]

Le Schwedentrunk (boisson suédoise) est employé par les armées suédoises pour faire parler les paysans récalcitrants et leur prendre leur or. Un entonnoir était enfoncé dans le gosier, des grandes quantités de purin y étaient versées. Ensuite les tortionnaires sautaient sur le ventre tendu du récalcitrant.[7]« Un Prêtre nommé Lot étant tombé entre leurs mains, ils lui ferrèrent le crâne d’une manière si violente que les yeux lui sortaient de la tête, & que le sang coulait de toutes parts ; ils lui firent ensuite avaler une grande quantité d’eau bourbeuse, & s’étant mis sur son ventre ils le pressaient pour la faire sortir. Ce Prêtre survécut à ce tourment, & la Province a longtemps vu en lui une triste preuve des excès où les Suédois portaient leur fureur contre les Catholiques ».[8]

Ne connaissant pas le traité d’alliance secret signé à Bärwalde entre les rois de France et de Suède, plusieurs villes et seigneurs se mettent sous la protection de Louis XIII pour la durée de la Guerre.

Les Alsaciens s’inquiètent pour leur avenir. Ils veulent conserver leurs libertés et leur immédiateté promise par l’Empereur. Ils savent que le projet de traité de 1648, sera réfuté par le roi de France, s’il est contraire à ses intérêts. Les Seigneurs & les Villes renfermées dans l’Alsace, étaient les plus animées à faire réformer l’article de la cession de cette Province : entre autres les Évêques de Straßburg & de Bâle, les Princes de Deux-Ponts, de Veldents, de la Petite Pierre, le Comte de Montbéliard à cause de Horburg & de Rikweyer[9], le Comte de Hanau, les Barons de Fleckenstein, l’Abbé de Murbach & de Münster au Val-Saint-Grégoire, l’Abbesse d’Andlau, la Ville de Straßburg & les dix Villes de la Préfecture de Haguenau. Ils ne s’étaient pas laissé éblouir par la réserve que les Plénipotentiaires de l’Empereur avaient faite en leur faveur, dans le projet du traité de 1646, où il était dit qu’ils seraient tous conservés dans la possession de leur liberté & de leur immédiateté dont ils avaient joui, envers l’Empire Romain ; que le Roy se contenterait des droits dont la maison d’Autriche avait joui dans leurs États, & qu’il n’y établirait pas une supériorité Royale.

Devenir empereur est un vieux rêve des rois de France, jaloux de leurs voisins germaniques. En restant vassal de l’Empereur, Louis XIV pourrait siéger séances du Landtag et se faire élire, empereur qui n’est pas une fonction héréditaire. « Il serait plus avantageux au Roy de tenir les pays qu’on laisse à Sa Majesté en fief et de les relever de l’Empire, à condition d’avoir séances et voix dans les Diètes, que de les posséder en toute souveraineté et ne point dépendre que de l’Empereur… cela nous donnerait plus de familiarité avec les Allemands qui nous considéreraient à l’avenir comme leurs compatriotes, ou comme membres de l’Empire. Cette familiarité pourrait un jour servir de degré à nos Roys pour monter à l’Empire et pour l’ôter à une maison dont la grandeur nous est suspecte ».[10]

Ayant été informées des négociations entre les Impériaux et les Français, les Villes s’y opposent de toutes leurs forces. Par ce mémoire, les Villes signifient leurs craintes pour leur immédiateté en cas de cession au roi. Elles démontrent les suites fâcheuses à prévoir :

1) que ces villes, aussi bien que tous les États d’Empire, étaient fermement persuadées, qu’on ne pourrait jamais, sans leur consentement, penser sérieusement à les céder à la France.

2) Qu’elles étaient convaincues que dans la cession méditée il n’était pas question d’elles-mêmes, de leur immédiateté envers l’Empire, de leur qualité d’État, puisqu’ elles disent dans leur mémoire : « Et les villes doivent cependant rester villes d’Empire avec voix et séance à la Diète ».

Leurs griefs dans ces remontrances n’étaient dirigés que contre la cession de la grande préfecture, parce qu’il leur paraissait étrange que le roi de France, qui est absolument indépendant de l’Empire d’Allemagne, dût obtenir la faculté d’exercer des droits préfectoraux sur des Villes Impériales ; et parce qu’elles craignaient, qu’un grand préfet si puissant n’étendît sa protection trop loin, et ne les convertît enfin en villes municipales ou provinciales de France ».[11]

Contrairement à ce que raconte le Roman national, l’Alsace n’est pas devenue / redevenue française en 1648. Seule la partie au sud de la région appartenant aux Habsburg a été annexée au profit de Louis XIV qui en est devenu propriétaire.

« Idem, tous les vassaux, habitants, sujets, hommes, villes, bourgs, châteaux, métairies, forteresses, bois, forets, minières d’or et d’argent et d’autres métaux, rivières, ruisseaux, pâturages, et tous les droits régaliens et autres droits et appartenances sans réserve aucune, appartiendront dorénavant et à perpétuité au Roy très-Chrétien et à la Couronne de France, et seront incorporés à ladite Couronne avec toute sorte de Juridiction et de Souveraineté, sans que l’Empereur, l’Empire, la Maison d’Autriche, ni aucun autre y puissent apporter aucune contradiction. De manière qu’aucun Empereur ni aucun Prince de la Maison d’Autriche ne pourra ni ne devra jamais usurper, ni même prétendre aucun droit et puissance sur lesdits pais tant au-delà qu’au deçà du Rhin ».

-Comment un citoyen habitué à la démocratie directe, peut-il vivre sous un régime dictatorial ?

-Comment une Ville édictant ses propres lois et battant monnaie peut-elle dépendre d’un tyran étranger qui a dévasté son pays ?

-Comment un citoyen habitué à la démocratie directe, peut-il vivre sous un régime dictatorial ?

-Comment une Ville édictant ses propres lois et battant monnaie peut-elle dépendre d’un tyran étranger qui a dévasté son pays ?

En créant les Chambres de Réunion en 1678, Louis XIV tentera de s’approprier du reste de l’Alsace. Les habitants devront prouver par des actes qu’ils sont propriétaires de leurs terres ancestrales.

La principale justification de l’hégémonie royale sur l’Alsace est que la France était un pays uni alors que le Saint-Empire-Germanique était un fatras de territoires sans cohérence et sans gouvernement.

Le royaume de France était un pays centralisateur où la majorité des gens vivaient en servage. Dans le Saint Empire, prospéraient des démocraties où vivaient des hommes libres. Les Villes Impériales ne rendaient compte qu’à l’Empereur, édictaient leurs propres lois et battaient monnaie.

À la fin de la guerre de Trente Ans, l’Alsace est exsangue. La population a été décimée par les massacres, les épidémies et la famine. De nombreux villages ont été incendiés et rayés de la carte. Il ne reste plus que 250.000 habitants. La moitié des habitations sont détruites, le reste est dans un état lamentable, les champs sont en friche. Les paysans sont réfugiés dans les villes ou ont disparu. L’Alsace a perdu la moitié de ses habitants.

Affaiblis par la guerre contre les Turcs & les Hongrois, les Habsburg sont contraints de céder le Sundgau au roi de France contre la somme de 1.2 million de Thalers. Transfert de l’administration des possessions habsbourgeoises d’Ensisheim à Freiburg. Les termes du traité ne conviennent pas aux Français qui chercheront par tous les moyens à annexer entièrement l’Alsace.

L’Alsace du fait de son appartenance à l’Empire, est contrainte de rembourser 5 millions de Reichsthaler à la Suède. L’Alsace est dévastée, la moitié de la population est massacrée. Les survivants sont contraints de rembourser les frais de guerre aux envahisseurs.

« Les Plénipotentiaires de France n’eurent aucune part au traité qui fut presqu’en même temps conclu entre l’Empereur, l’Empire & la Suède, pour l’exécution du traité d’Osnabrück. On y comprit cependant dans la répartition des cinq millions de Reichsthaler promis à la Milice Suédoise, quelques villes & États d’Alsace. L’Évêque de Straßburg, les Abbés de Murbach & de Munster au Val-St-Grégoire, les Prévôts de Seltz, & de Weissenburg, le Baron de Fleckenstein, les Villes de Straßburg, de Kaysersberg, Türkheim, Münster au Val-St. Grégoire, Obenheim (Obernai), Colmar, Schlestadt, Hagenau, Weissenburg, Landau y furent cotisées à certaine somme. C’était un payement que la Suède exigeait pour les frais d’une guerre qu’elle avait soutenue contre l’Empire, dans un temps où ces Villes & ces États en faisaient partie ».

ors de l’alliance franco-suédoise signée en 1631 à Bärewald, la France s’engageait à financer l’armée suédoise. L’Empire étant perdant, c’est à lui de rembourser la dette française. Il s’agit de cinq millions de Rixdales suédois. Les villes et les seigneuries alsaciennes sont mises à contribution selon leur importance :

« Répartition ou distribution de cinq millions, & tant de Richsdales sur les cercles de l’Empire pour la satisfaction de la Milice Suédoise ; arrêtée, & approuvée à Nuremberg, & délivrée aux Plénipotentiaires Suédois, le 25 Juin 1650 ».

Türkheim : 670 – Rosheim : 3.204 – Münster : 6.408 – Obernai : 10.680 – Kaysersberg : 11.214 – Landau : 12.216 – Weissenburg : 14.952 – Schlestadt : 19.224 – Colmar : 22.428 – Hagenau : 25.932 – Straßburg : 120.150 – Fleckenstein : 2.134 – Salm : 2.670 – Le prévôt de Weissenburg : 10.680 – L’évêque de Basel : 11.214 – Mürbach : 19.859 – La Commanderie d’Alsace : 21.360 – Hanau-Lichtenberg : 21.360 L‘évêque de Straßburg : 82.236

La majorité des Alsaciens sont luthériens. Le roi fera tout pour augmenter le nombre de catholiques par la terreur et les dragonnades et en forçant les luthériens à loger ses troupes.

Le roi annonce aux magistrats des Villes la nomination d’un Landvogt (gouverneur français). Il les enjoint de reconnaitre le comte de Harcourt, qui a ordre de les maintenir dans leurs anciens privilèges.

« Sur ce, Hagenau convoqua les Villes confédérées à Straßburg où il fut résolu qu’on n’accepterait point les reversales (ou lettres de garde du nouveau Landvogt), puisqu’elles ne faisaient nulle part mention du Saint-Empire-Germanique, dont les villes aux termes du traité de paix devaient rester membres immédiats. L’assemblée refusa également l’ancienne redevance impériale, que la France avait demandée. L’assemblée s’adressa à l’empereur Ferdinand III pour se plaindre du procédé dont usait le roi de France protecteur ».[12]

Ses charges sont intendant de justice, de police, des finances & et des vivres.

Villes immédiates d’Empire, elles ne dépendent ni de la France, ni de l’Autriche. Elles refusent de reconnaître l’autorité de Louis XIV.

La Ville continue à participer à l’effort de guerre contre les Turcs (Türkenhilfe).

Mazarin remplace le comte de Harcourt démissionnaire. Son premier souci est de faire rechercher dans les archives tous les documents concernant la ligue des Villes Impériales et de la charge de Grand-bailli. Il découvre que la ligue a été créée par l’empereur Barbarossa en 1163.

Cet Édit royal n’est en rien philanthropique. Les immigrés doivent rebâtir les villes et villages détruits par la guerre et remettre en culture les champs en jachère, afin d’assurer la subsistance de l’armée du roi lors des prochaines guerres. Les propriétaires légitimes ont trois mois pour reprendre leurs terres et les cultiver. Les terres sont distribuées gratuitement aux catholiques français ou étrangers. Ils sont exemptés de tailles, taxes, corvées & impositions pendant six ans. Pendant ce temps, ils ont également le droit de couper du bois de construction et de chauffage.

On dénombre : 65 % de Souabes, Bavarois & Tyroliens qui exercent les professions de maçons et charpentiers ; 26 % de Suisses alémaniques, paysans ou bûcherons ainsi que 9 % de Français en pays Welche. Les migrants choisissent l’endroit pour s’installer en fonction de leur religion. Les protestants vont de préférence vivre dans les territoires non annexés par la France : Duché de Württemberg, Comtés de Saarwerden, Lützelstein[13], Hanau-Lichtenberg, Rathsamhausen. Les Catholiques choisissent Rufach & Murbach.

Un Thaler montrant une vue de la Ville, sa masse d’arme et l’Aigle impériale, signe de son appartenance à l’Empire.

Mazarin, Grand-bailli d’Alsace, résidait à Hagenau. De retour d’une inspection de la campagne, Mazarin trouva porte close à la tombée de la nuit. Il fit un scandale et exigea de pouvoir entrer avec son équipage. Melchior Reiffert fit savoir que par souci de sécurité la ville était fermée à tous, notamment aux princes étrangers et qu’il tuerait tous les contrevenants. Mazarin a dû passer la nuit glaciale dans une grange. Après son affront au duc, il s’est réfugié dans la forêt avec sa troupe.

Il est accueilli par des manifestations blessantes et presque d’hostilité.[14]

Les dix Villes ne laissant pas aux Arbitres le soin de faire le rapport de ce qui s’était passé, portèrent elles-mêmes leurs plaintes à la Diète impériale en la suppliant d’engager l’Empereur de les soutenir dans les droits qui leur étaient acquis d’ancienneté, & qui leur étaient réservés par le traité de Münster. Cette démarche fut le signal qui annonça que les Villes, pour se soustraire à la Souveraineté du Roy n’oublieraient rien pour armer l’Empire contre la France. Cette prière qu’elles firent à l’Empereur était à proprement parler une invitation à entrer dans l’Alsace, où elles étaient prêtes à lui ouvrir leurs portes.

« Brizac, 30 juin 1673. Je ne puis m’empêcher de dire que l’autorité du roi se va perdant absolument dans l’Alsace. Les dix Villes Impériales, bien loin d’être soumises au roi, comme elles devraient l’être par la protection que le roi a sur elles par le traité de Munster, sont presque ennemies. La noblesse de la basse Alsace va presque le même chemin; Hagenau a fermé insolemment la porte au nez de M. de Mazarin, et la petite ville de Münster l’a chassé honteusement, il y a quelque temps; il a souffert ces deux affronts avec beaucoup de patience, cependant, je crois que le roi devrait prendre le temps qu’il jugerait à propos pour mettre Colmar et Hagenau à la raison, ce serait une chose bien facile; les autres suivraient sans contredit leur exemple : c’est à Sa Majesté de juger quand le temps sera propre »[15]

Les Villes ne sont pas du tout d’accord avec l’interprétation du Traité de Münster par le roi de France. Selon le Traité de Münster, Louis XIV est le vassal de l’Empereur et n’a qu’une fonction de préfet. L’abbé de Gravelle, ambassadeur et espion du roi de France, envoie ses rapports sur la tenue des Diètes (Reichstag).

Suite au rapport du duc de Navailles, Louis XIV ordonne de raser les murailles & fortifications des Villes Impériales du Zehnstädtebund.

A la suite d’un coup de main militaire, les portes, remparts et tours de la Ville sont démolis par des paysans acheminés du Sundgau. La ville est ouverte à la soldatesque et aux maraudeurs. Les bourgeois sont désarmés. Le magistrat est accusé de trahison. Colmar est inondé de troupes, écrasé par les réquisitions et la famine. Les bourgeois sont désarmés. Les armes et munitions sont volées et emportées à Breisach. Les plus pauvres sont obligés d’héberger jusqu’à sept militaires.

Le massacre est un avertissement à la Ville de Colmar et aux autres villes impériales qui refusent de se soumettre à l’autorité de roi de France.

Louis XIV donne l’ordre de détruire la ville de Hagenau. La raison profonde est qu’il ne supportait pas l’existence d’un palais impérial, la Kaiserpfalz de Friedrich Barbarossa, sur ce qu’il considérait comme sa propriété.

« Au commencement de l’an 1677, le chef d’un corps-franc de Français, nommé Labrosse, se rendit fameux par les cruautés inouïes qu’il commit à Wissembourg & Hagenau. Il fit piller et incendier ces deux villes. Il maltraita les habitants de la campagne et les dépouilla de tout ce qu’ils possédaient. Par bonheur, pour les Alsaciens, cet incendiaire fut tué de cinq coups de fusils, près de St-Léonard au mois de juin de la même année »[16]

Le capitaine La Brosse a déclaré : « Rien ne me cause plus de joie que le crépitement du feu dans les masures de ces rustres ».

Le capitaine Labrosse se charge d’incendier la Ville impériale de Hagenau. Il détruit la Landvogtey, siège des Villes Impériales du Zehnstädtebund, ainsi que les bâtiments environnants.

« Hagenau en Alsace fut encore plus maltraité car après avoir fait sauter les tours & toutes les murailles, ils mirent le feu à la Ville le 10 février à 5 heures du matin, & ne voulurent pas permettre que les Bourgeois l’éteignissent avant que toute la garnison Française n’en fût sortie. De sorte que toutes les maisons qui sont entre les deux rivières, & qui faisaient le plus beau de la Ville, au nombre d’environ 170 & entre autres la maison de Ville, la Douane & l’Arsenal périrent malheureusement par les flammes, sans que toutes les prières & lamentations du peuple pussent rien obtenir ; mais il semblait que Mrs de Montclar & la Brosse, qui faisaient faire ce bel exploit, en fussent touchés eux-mêmes, & principalement le premier, qui s’en excusa sur les ordres de son Roy »

« Zabern courut à peu près la même fortune ; mais ils remirent garnison dans Dachstein & dans d’autres Châteaux, dont ils s’emparèrent facilement, afin de tenir le plat pays en bride par le moyen de ces petites garnisons. Mais ce que les Français exécutèrent par ordre de leur Roy, à ce qu’ils disaient, le long de la rivière de Saar & dans le Palatinat, et encore bien plus étrange ; puis qu’ils pillèrent, ravagèrent & brûlèrent près de 200 Villages, Châteaux, ou Hameaux ; de sorte qu’on faisait plusieurs lieues de chemin sans rencontrer ni gens ni maisons. »[17]

« Je fus à Heiligkreutz[18] petite ville que je trouvais à demi brûlée et presque déserte depuis la guerre. J’en ai vu quantité d’autres en Alsace encore plus maltraitées que celle-ci. J’en ai passé quelques-unes sans y rencontrer une seule âme ; un silence affreux régnait partout, on y trouvait des restes de meubles en bois dont on avait fait du feu au milieu des rues, des chevaux morts et pourrissants, des carcasses de vaches toutes noires du feu qui avait consumé leurs étables : ce sont là les tristes fruits de la guerre. Quand on est nouveau venu dans ces malheureux pays, on ne peut voir ces pitoyables spectacles sans être attendri de compassion ».[19]

Louis XIV en guerre contre une bonne partie de l’Europe, se rend compte qu’il est obligé de demander la paix pour pouvoir continuer la guerre. Louis XIV n’a pas l’intention de se plier aux termes du Traité et de continuer à spolier ses voisins par la force. Il n’a pas réduit son armée qui se compose de 140.000 hommes. L’Empereur, quant à lui, n’est à la tête que de 30.000 soldats.

« Le Roi de France, considérant qu’il ne pourrait pas résister à tant de grands & puissants ennemis, que ses armées n’étant pas invincibles & appréhendant que la fortune ne lui tournât le dos & qu’il ne fut obligé de rendre plus qu’il n’avait pris, il eut recours a la paix qu’il demanda avec empressement. Et la Ville de Nimègue qui était aux États de Hollande, étant le lieu où l’on la traitait. Il ne fut pas difficile à la France, par le moyen de ses pensionnaires, de porter les Hollandais à acquiescer aux propositions qui leur étaient faites de la paix. Ils voyaient que par cette malheureuse guerre, ils avaient été portés jusque sur le bord de leur ruine, que leur commerce était interrompu qui est la richesse et le soutien de leur République ».[20]

Pour le roi, la limite nord de l’Alsace est la rivière Queich, qui se jette dans le Rhin à Germersheim, au sud de Speier. Les Villes Impériales, dont Landau, sont annexées et deviennent Villes royales. Leurs fortifications éventrées en maints endroits ne protègent plus leurs habitants. « Dès que la paix fut publiée, sa Majesté Très-Chrétienne nomma Joseph Dupont Baron de Montclar commandant en Alsace, pour exercer la charge de Grand-bailli ou de Landvogt de Haguenau, en l’absence de Monsieur le Duc Mazarini. Son premier soin fut de faire prêter au Roy le serment de fidélité dans toute l’étendue de l’Alsace, dont il ne reconnaissait point d’autres limites que Landau & la rivière de Queich, déclarant que le Roy était Souverain dans toute cette Province, comme l’Empereur l’était avant la paix de Münster, néanmoins avec cette différence que l’autorité de l’Empereur dépendait de l’Empire en partie, au lieu que celle du Roy ne dépendait que de Dieu ».

Malgré le Traité de paix de 1679, signé à Nimègue entre l’Empereur du Saint-Empire-Germanique Leopold et le roi Louis XIV, celui-ci décide, sans aucune déclaration de guerre, de s’approprier la République de Straßburg.

Malgré le Traité de paix de 1679, signé à Nimègue entre l’Empereur du Saint-Empire-Germanique Leopold et le roi Louis XIV, celui-ci décide, sans aucune déclaration de guerre, de s’approprier la République de Straßburg.

Leopold 1, en guerre avec les Ottomans, reconnaît temporairement les acquisitions de Louis XIV en Alsace et en Sarre.

Un simultaneum est une église protestante partagée de force avec les catholiques, sur ordre de du roi.

Louis XIV viole le Traité d’Osnabrück du 24 octobre 1648, fixe au premier janvier 1624 la date décidant de la propriété des édifices religieux. De ce fait, l’annexion d’une église pour la pratique d’une autre religion est illégale. Il encourage les catholiques à s’approprier du chœur des églises, à condition qu’il y ait sept familles catholiques dans le village, ce qui était rarement le cas. De nombreuses dérives ont lieu pour annexer près de 150 églises et semer la discorde entre protestants et catholiques. Les luthériens ont droit à un autel portatif qui ne doit pas faire face à leur ancien autel réservé aux catholiques.

En vertu de l’article IV du traité, les Princes dit possessionnés sont rétablis dans leur supériorité territoriale et ne dépendent que de l’Empereur. Par contre, Louis XIV réussit à faire valider l’annexion des 3/4 de l’Alsace dont Straßburg et les villes impériales alsaciennes.

Commentaire de Nikolai Klein (1638-1703) chroniqueur, professeur au Gymnasium et prédicateur luthérien de Colmar : Es fällt uns schwer aus einem freyen Reichsland uns in einer Knechtischen Stand unter fremder Obrigkeit versetz zu sehen.

Les Alsaciens étaient considérés comme les Allemands de France par le roi, qui seul avait le pouvoir de naturaliser ses sujets. L’Alsace était réputée comme province étrangère, ses habitants continuaient à parler leur langue maternelle et porter des prénoms allemands.

Durant son long règne, Louis XIV n’a accordé la naturalité française qu’à six personnes. Malgré son dévouement, Turenne, prince de Sedan était maréchal de France et non maréchal français. Dans la hiérarchie, son rang suivaient celui des princes de sang français.

Fin de la première partie

[1] Aujourd’hui : Marmoutier

[2] LAGUILLE Louis : Histoire de la province d’Alsace (1726)

[3] Appellation fantaisiste, avant Oberberkheim aujourd’hui : Bergheim

[4] Appellation fantaisiste, aujourd’hui : Mutzig

[5] Aujourd’hui : Châtenois

[6] LAGUILLE Louis : Histoire de la province d’Alsace (1726)

[7] GRIMMELSHAUSEN Hans Jacob: Der Abenteuerliche Simplicissimus (1668)

[8] LAGUILLE Louis : Histoire de la province d’Alsace (1726)

[9] Appellation fantaisiste, aujourd’hui : Riquewihr

[10] ZIND Pierri : Brève histoire de l’Alsace (1977)

[11] Consultation de la Faculté de droit en l’université Électorale Palatine de Heidelberg

[12] GUERBER Victor – Histoire politique et religieuse de Hagenau (1876)

[13] Aujourd’hui : La Petite-Pierre & Lutzelstein

[14] Bulletin de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Haguenau

[15] VANHUFFEL : Documents inédits concernant l’histoire de France & particulièrement l’Alsace et son gouvernement sous le règne de Louis XIV (1840)

[16] AUFSCHLAGER Johann Friedrich – Histoire de l’Alsace (1766-1833)

[17] Mercure Hollandois (1677)

[18] Aujourd’hui : Sainte-Croix-en-Plaine

[19]  Lazare de la SALLE de L’HERMINE : Mémoires de deux voyages et séjours en Alsace (1674/76 & 1681)

[20] Le véritable intérêt des princes chrétiens (1686)