Johann Jaeglé né le 23 juin 1893 à Mittlach dans la vallée de Münster en Alsace, est le fils d’un ancien bûcheron accidenté. Johann travaille comme valet chez le fermier Nikolaus Hammer à Metzeral au fond de la vallée.

LA GUERRE DANS LES VOSGES
Dès le début de la guerre les troupes françaises ont envahi l’Alsace dans le but de s’en accaparer. Malgré quelques incursions dans la plaine, le front s’est rapidement stabilisé, les Français occupaient une petite partie du Sundgau et la vallée de Thann. Des sommets vosgiens, ils bombardaient la vallée de Münster.
La randonnée pédestre était courante en Alsace mais inconnue en France. Elle était dangereuse depuis le début de la guerre. Toute personne circulant dans les Hautes-Vosges était suspectée d’espionner les positions militaires françaises.
L’affaire était vite réglée, tous ceux qui ne parlaient pas français étaient forcément des boches. De nombreuses fermes d’altitude ont été confisquée ou détruites par l’armée française.
Tous les civils aptes au combat étaient emprisonnés et déportés en France. En cas de doute, les suspects étaient fusillés sans état d’âme, quitte à les réhabiliter par la suite. Les militaires français prétendaient être capables de distinguer de loin les Alsaciens des autres Allemands.
Germanophone comme la plupart des Alsaciens, Johann Jaeglé, a mis sa vie en jeu en s’aventurant en zone occupée par l’armée française.

MORTELLE RANDONNÉE
Samedi 19 septembre 1914, malgré la guerre, Johann et son ami Ansel prennent de gros risques en s’aventurant vers les positions ennemies. Il partent de Metzeral en randonnée dans les Hautes-Vosges qu’ils connaissent bien. Le but est de rendre visite à son frère Mathis qui travaille à la ferme Hofried située au-dessus du Lauchensee (lac de la Lauch).
En passant près de la Trehhütte, les deux amis égarés dans le brouillard, sont interceptés par des militaires français qui les fouillent et trouvent sur Johann une lettre personnelle rédigée en allemand. Les deux randonneurs sont emmenés à Krüth pour être interrogés.
Il y avait méprise avec un homonyme natif de Mühlbach, sous-officier allemand qui était activement recherché pour espionnage.




TRIBUNAL MILITAIRE
Les deux amis sont transférés à Gérardmer de l’autre côté de la frontière devant la cour martiale du Conseil de guerre de la 58ème division d’infanterie. chargée de juger et condamner les déserteurs, les mutins et les civils considérés comme espions. C’est la parole du plus haut gradé qui fait foi, rares sont les accusés innocentés.
Le matin du 29 septembre a lieu une parodie de procès sans avocat. Le témoignage d’Ansel qui jure que son ami est natif de Mittlach n’est pas pris en compte. Malgré ses sanglots, Johann est condamné à mort pour espionnage par un officier qui est à la fois juge et partie.
L’après-midi même, Johann est conduit près de chez lui à Sulzern. Il doit creuser y sa tombe avant d’être fusillé. Il était facile de voir qu’il n’était pas militaire.
SUITES JUDICIAIRES
Le 21 mai 1919, Jean Jaeglé s’adresse à l’administrateur militaire de Colmar pour faire reconnaître son fils comme victime civile de guerre et demander la pension à laquelle il a droit.
Le 7 août 1919, le père de Johann est convoqué à la gendarmerie à pieds de Münster qui enquête sur la mort de son fils et conclut à son innocence,
Johann sera acquitté et réhabilité le 23 mai 1925 par la Cour de cassation. Jugement publié dans le Journal officiel de la République.
