Le papier est apparu en Alsace en même temps que la presse de Gutenberg au milieu du 15ème siècle.
Les anciens moulins à papier ont été implantés le long des rivières qui procuraient l’eau et la force, pour déchiqueter les chiffons macérés, nécessaires à la fabrication du papier. Celui-ci était fabriqué manuellement feuille par feuille, tout comme les premiers livres.
Passage de l’artisanat à l’industrie
Le papier à base de cellulose, matière inépuisable et bon marché s’est répandu au milieu du 19ème siècle, tout comme les machines à papiers. Les papetiers de Turckheim et de Kaysersberg étaient favorisés, puisque leurs moulins étaient proches des forêts vosgiennes.
A côté de leurs anciens moulins, les papetiers ont installé leurs machines à papier ainsi qu’une centrale électrique pour les faire fonctionner. De ce fait les papeteries restaient complétement autonomes.
Les machines longues de près 50 mètres, fabriquaient le papier en rouleaux et en continu dix mois par an. En été lors des basses-eaux, les machines étaient révisées et graissées, les roulements à billes et les courroies défectueux étaient changés. En période de fabrication, tout inventaire précis était impossible.
Vu les énormes quantités de papier dont ils avaient besoin, les imprimeurs se fournissaient directement chez les fabricant-papetiers proches de leurs usines, jamais chez les grossistes (sauf pour des petites quantités de papiers spéciaux).
Dès la déclaration de guerre, les habitants de Strasbourg, ainsi que ceux des villes et villages proches de la frontière ont été évacués manu-militari, dans le sud-ouest de la France. L’avis ci-dessus menace de mort les pillards des maisons évacuées. Comme les expulsés avaient interdiction de fermer leur porte à clé, les militaires chargés de veiller sur les biens en ont profité pour piller des maisons et vider les caves. Quand il n’y avait rien à voler les militaires saccageaient les logements.
L’arrivée des Allemands en 1940 a été une aubaine pour les imprimeurs : toutes les administrations et les entreprises ont été obligées de remplacer leurs imprimés administratifs et commerciaux français par des documents allemands. Les commerçants ont dû faire fabriquer des emballages rédigés en allemand. Dans les années 60, un grainetier colmarien qui croyait au Reich de 1000 ans utilisait encore des sachets libellés « Samenhandlung XXX Kolmar / Ober-Elsaß ».
Les imprimeurs participaient de gré ou de force à la nazification de l’Alsace et de certains de ses habitants, ce qui entrainait parfois des dérives graves comme l’arrestation d’un gamin de 14 ans.
Étienne Gerber arrêté par la Gestapo à l’âge de 14 ans
Tout le monde parle de la rareté du papier et de la surveillance de sa fabrication durant la guerre. De par sa nature, il y avait peu de risques de pénurie de papier. Le gros souci des imprimeurs était l’approvisionnement régulier en encres et en solvants servant à nettoyer les presses et les caractères typographiques. Les quelques fabricants d’encres étaient plus faciles à surveiller que les centaines de papetiers. Par leurs achats d’encres, on pouvait aisément estimer la quantité de documents réalisés par les imprimeurs. En outre, ceux-ci étaient surveillés, il ne pouvaient pas tricher sur les quantités de documents livrés à l’occupant. Imprimer des tracts pour la résistance était dangereux : destruction des machines et camp de concentration. Il y avait des informateurs dans toutes les imprimeries.
Alsatia, la plus importante imprimerie alsacienne consommait près de 20 tonnes de papier par mois rien que pour l’édition de ses livres. La quantité est calculée en se basant sur un poids moyen de 200 grammes par livre, plus 10% pour tenir compte des épreuves d’essai, des ratés, et des chutes de massicotage.
Alsatia imprimait également des documents administratifs, des plans de villes ainsi que des livres et des affiches de propagande pour l’armée d’occupation nazie et l’organisation de loisirs, du Reich : « Kraft durch Freude » (la force par la joie). Après la guerre, Alsatia a imprimé des affiches pour les libérateurs. Le problème de toutes les imprimeries durant la guerre était de pouvoir faire travailler leurs ouvriers afin d’assurer leurs salaires.
Toutes les affiches de cet article ont été imprimées par Alsatia
Ce livre, imprimé à des dizaines de milliers d’exemplaires, relate la :
« Mise en scène de la parole et des corps dans le premier rassemblement nazi en Alsace, à Strasbourg le 20 octobre 1940. Une brochure de propagande nazie (Der Aufbruch des deutschen Elsass / La percée de l’Alsace allemande) permet de décoder les mécanismes et finalités, très subtils de l’esthétisation du politique ». (Freddy Raphaël)
Ce livre contient également le discours du Gauleiter Robert Wagner ainsi que de nombreuses photos de la cérémonie.
source https://www.tradera.com/item/292215/376870445/nazism-der-aufbruch-des-deutschen-elsass-ou-1940

Dès leur arrivée, les Nazis ont mis en scène leurs défilés à travers toute l’Alsace, plans serrés pour faire croire que toute la population les soutenait. La densité d’une foule n’a rien à voir avec une prétendue ferveur patriotique.
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