1933 : Campagnes chauvines en Alsace-Lorraine

Lettre d’Alsace-Lorraine

La préparation des esprits à la guerre est une grande préoccupation de l’impérialisme français. Aussi ne néglige-t-on pas les manifestations chauvines.

Cela coûte cher ? Qu’importe les superprofits retirés d’Alsace-Lorraine par les capitalistes français et les impôts spéciaux ne sont-ils pas là pour régler l’addition ? L’essentiel est qu’on tienne en haleine la population d’Alsace-Lorraine, qu’on réussisse à y infiltrer peu à peu le poison chauvin.

Allez n’importe quel dimanche à Strasbourg ou à Metz. En descendant de la gare, vous verrez des calicots tricolores. C’est la visite d’un ministre, d’un général.

Dans les fortifications, les délégations d’officiers, d’école militaire se succèdent sans arrêt.

Le moindre monument voit son inauguration transformée en une vaste manifestation chauvine avec la soi-disant traditionnelle petite Alsacienne au nœud flanqué de la cocarde tricolore.

Les banquets de sous-officiers de réserve, d’engagés volontaires, et multiples autres organisations patriotiques se clôturent par des discours où on ne manque pas de vanter la beauté de la France démocratique.

On inaugure une école à Brumath ! Quelle belle occasion pour le préfet de placer un discours chauvin bien senti. II est vrai qu’on n’inaugure pas beaucoup d’écoles en Alsace-Lorraine il faut bien profiter des rares occasions. Le budget d’Alsace-Lorraine est surtout réservé pour l’appareil d’oppression la police, la presse. On inaugure davantage de casemates, de fortins, de réseaux de fil de fer barbelés que d’écoles en Alsace-Lorraine,  écoles d’ailleurs où est rejetée la langue maternelle, où l’enseignement religieux occupe les meilleures heures de la journée. Et le préfet de parler des réalisations scolaires de la République française alors que 80 % des fils de travailleurs alsaciens, ne sauront bientôt plus lire et écrire l’allemand, leur langue maternelle et ne connaîtront, pas davantage la langue française.

Le mois dernier, on a fêté, en Basse-Alsace, le tricentenaire du « rattachement » à la France de Bouxwiller, Ingwiller et Neuwiller. Pour les besoins de la cause, on a travesti les faits historiques. On a parlé du libre rattachement de ces trois localités à là France. La vérité est que les troupes royales françaises d’alors en bataille dans la région ont pénétré dans ces trois villes qui ont bien dû se déclarer françaises. Et les reportages de Paris-Soir et les articles prétentieux du Temps n’empêchent pas la population de ces trois localités de continuer à parler depuis, trois siècles le dialecte alsacien et de lire et écrire la langue allemande.

Le général Gouraud vient de nous rappeler dans quelles conditions, les troupes françaises sont  entrées à Strasbourg le 22 novembre 1918. A l’occasion de l’enterrement d’un vieux protestataire français pendant le rattachement de l’Alsace à l’Allemagne, le général Gouraud a dit « Nous étions cantonnés à Obernai. Nous ne devions entrer qu’.à la fin du mois à Strasbourg. Mais Jean Kieffer vient nous trouver, nous, expliquant qu’un souffle révolutionnaire  s’abattait sur Strasbourg. Nous décidâmes alors d’entrer immédiatement dans Strasbourg ».

Le général Gouraud: aurait pu ajouter qu’au même moment le chef socialiste Peirotes expliquait aux marins et soldats en armes qu’il était inutile de poursuivre le mouvement  révolutionnaire car les Français allaient venir et amener avec eux la liberté.

C’est ce qu’attendaient les Alsaciens-Lorrains de la France. La répression brutale lors des grèves de 1920 leur fit comprendre combien étaient mal fondées leurs illusions. Depuis, les désenchantements ont continué. Lors de la grève de Strasbourg s’est manifesté la colère qui s’entasse, qui est encore contenue, mais que tout le tintamarre des manifestations patriotiques et chauvines ne parviendra pas à calmer.  

F. Billoux – l’Humanité 16/11/1933

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